Alassane Ouattara a déclaré, lors de sa visite d’État à Bouaflé, qu’il n’appliquerait pas la décision de la Cour africaine appelant à réhabiliter Gbagbo et Soro. Emile Suy Bi, l’avocat du PDCI, a tenu à rappeler les obligations internationales au chef de l’État.
Me Emile Suy Bi : « Le Gouvernement n’a pas d’autre choix »
À mesure que la date de l’élection présidentielle approche, la tension politique se fait de plus en plus ressentir en Côte d’Ivoire. Au terme de sa mission, l’émissaire des Nations Unies, Mohamed Ibn Chambas, a recommandé aux acteurs politiques ivoiriens de trouver à travers un dialogue inclusif, le consensus nécessaire pour aboutir à des élections apaisées. Cependant, la dichotomie entre les politiciens ivoiriens est tellement profonde que l’on s’interroge si cette entente peut être possible.
La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) a en effet rendu deux ordonnances dans lesquelles elle appelle l’État défendeur, la Côte d’Ivoire en l’occurrence, à réinsérer Laurent Gbagbo et Guillaume Soro sur la liste électorale, et à autoriser leurs candidatures à l’élection présidentielle du 31 octobre prochain.
La réponse d’Alassane Ouattara ne s’est pas longtemps fait attendre. À Bouaflé, le week-end dernier, lors du meeting de clôture de sa visite d’État dans la région de la Marahoué, le chef de l’État a clairement indiqué que cette décision est nulle et de nul effet. Elle n’est pas applicable et elle ne sera pas appliquée.
Dans une interview accordée au confrère Le Nouveau Réveil, Me Emile Suy Bi, avocat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), a déploré cette attitude du chef de l’Exécutif ivoirien : « Il est tout de même grave que le Président de la République de Côte d’Ivoire affirme ainsi la volonté de son gouvernement de ne pas exécuter une décision de justice, plus grave encore, d’une décision de justice internationale. »
Poursuivant, le Secrétaire exécutif chargé des Affaires juridiques du PDCI-RDA ajoute : « Dans un système démocratique, les Gouvernants et les gouvernés doivent se soumettre systématiquement aux décisions de justice, lorsqu’ils ne disposent pas de voie de recours pour les remettre en cause. » Avant de souligner que contrairement à ce que laissent supposer les autorités ivoiriennes, le Gouvernement n’a pas d’autre choix de s’exécuter, car cette décision de la Cour d’Arusha s’impose à l’État de Côte d’Ivoire, qui est tenu de l’exécuter. L’avocat ivoirien ajoute par ailleurs que le Président de la République « n’a aucune compétence pour annuler un Arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ».
À noter que la Côte d’Ivoire a retiré la compétence à la Cour africaine fin avril 2020, à la suite d’un arrêt d’Arusha appelant à la suspension des poursuites contre Guillaume Soro et ses compagnons de GPS. Aussi, en vertu des dispositions requises en la matière, ce retrait de compétence ne prend effet qu’un an après, c’est-à-dire en avril 2021. En attendant cette échéance, toutes les décisions prises par la Cour doivent être exécutoires en Côte d’Ivoire.