La contestation de la candidature du chef de l’Etat sortant, Alassane Ouattara, à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, se poursuit, même après les dépôts des dossiers des candidatures. L’opposition a déposé une série de requêtes auprès du Conseil constitutionnel en vue du rejet du dossier de candidature du Président Alassane Ouattara. Ces requêtes ont en commun de se fonder sur trois arguments principaux, à savoir :
– Que cette candidature méconnaîtrait les dispositions des articles 55 alinéa 1er et 183 de la Constitution du 08 Novembre 2016, et 43 de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral.
– Qu’une telle lecture serait partagée par de nombreux juristes et constitutionnalistes parmi lesquelles des experts rédacteurs de cette constitution.
– Qu’au total, cette candidature consacrerait la possibilité d’un intolérable troisième mandat au bénéfice de Monsieur Alassane OUATTARA, en violation selon eux, du principe constitutionnel et impératif de deux mandats consacré en Côte d’Ivoire depuis la constitution du 1er Août 2000.
Mais pour Maître Abdoulaye Ben MEITE, de tels moyens et arguments, pour être parfaitement inopérants (A), ne peuvent cependant ébranler la légalité de la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020 prochain (B). Dans une contre attaque adressée au Conseil constitutionnel, l’avocat du candidat Alassane Ouattara démontre avec force d’arguments que la candidature de son client est bel et bien légale. Ci-dessous, de larges extraits de l’argumentaire à travers lequel il déclare que la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA est bien conforme aux dispositions légales.
La candidature de Monsieur Alassane Ouattara viole-t-elle l’article 55 de la Constitution du 08 novembre 2016 en ce que cette candidature consacrerait un troisième mandat?
A- De l’impertinence des moyens et arguments présentés par les requérants
Les requérants prétendent que les dispositions des articles 55 alinéa 1er et 183 de la Constitution du 08 Novembre 2016, et 43 alinéa 1er de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral constitueraient un barrage à la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020 et ce, pour avoir exercé deux mandats à la tête de la Côte d’Ivoire entre 2010 et 2020. Le développement ci-après conduira, sans aucun doute, la haute Cour de céans à rejeter comme manifestement inopérants, les moyens et arguments développés par les requérants.
1- Sur le moyen tiré de l’article 55 de la constitution du 08 novembre 2016 et 43 alinéa 1er de l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral Les requérants font valoir que la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA viole l’article 55 de la constitution du 08 novembre 2016 en ce que cette candidature consacrerait un troisième mandat en violation de la disposition de l’article 55 susvisé qui dispose : « …Le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois ».
Attendu cependant qu’aux termes de l’article 184 de la constitution du 08 novembre 2016 : « …la présente constitution entre en vigueur à compter du jour de sa publication par le Président de la République. Elle est publiée au Journal Officiel de la République de Côte d’Ivoire ». Il résulte de l’analyse combinée de ces deux dispositions que la constitution du 08 novembre 2016 qui a été adoptée par voie référendaire, quoiqu’affirmant le principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux pour l’avenir, du fait du principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle, n’a pas attendu conférer à l’article 55 alinéa 1er un effet rétroactif.
En effet, nulle part dans les dispositions transitoires de ladite constitution, le constituant n’a expressément prévu cette possibilité qui lui est pourtant juridiquement reconnue. Cela est d’autant plus vrai que cette constitution qui a été promulguée le 08 novembre 2016, ne peut légalement produire ses effets à l’égard de tous, y compris les Juges, qu’à compter de cette date et pour l’avenir. Faute d’avoir expressément prévu une disposition transitoire faisant rétroagir ses effets sur les candidatures aux élections présidentielles antérieures à son avènement, le mandat en cours du Président Alassane OUATTARA ne peut être pris en compte dans le décompte du nombre de mandats présidentiels, celui-ci ayant été exclu du champ de la constitution du 08 novembre 2016.
Aussi et contrairement aux allégations de certains des requérants, les dispositions de l’article 179 de la constitution du 08 novembre 2016, plaident plutôt en faveur de ce que le constituant n’a pas entendu reconduire les dispositions de l’article 35 de la défunte constitution du 1er Août 2000. En effet, si tel était sa volonté, il se serait expressément déterminé ainsi qu’il a fait à travers les pouvoirs présidentiels conférés, sous ce nouvel ordre juridique consacré par la nouvelle constitution, au Président élu sous la défunte constitution. Au total, le principe de l’effet immédiat de la constitution du 08 novembre 2016 et l’absence de mention expresse incluant le mandat en cours dans le champ de celle-ci, légitime immanquablement et légalise la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020.
En tout état de cause, le candidat à l’élection présidentielle tel qu’institué par l’article 35 de la défunte constitution du 1er Août 2000, est distincte de celui ayant cours sous la constitution présentement en vigueur et ce, au regard des conditions y respectivement fixées. Il convient dès lors, de rejeter cette prétention comme mal fondée.
2- Sur le moyen tiré l’article 183 de la constitution du 08 novembre 2016
Les requérants soutiennent que dès lors que l’article 55 susvisé reconduit les termes de l’article 35 de la défunte constitution, cela impliquerait la nécessaire prise en compte des deux mandats déjà exercés par Monsieur Alassane OUATTARA dans l’appréciation de la candidature de ce dernier et ce, en vertu de l’article 183 qui consacrerait la continuité législative en ces termes « La législation actuellement en vigueur en Côte d’Ivoire reste applicable, sauf l’intervention de textes nouveaux, en ce qu’elle n’a rien de contraire à la présente Constitution ». Qu’ainsi, pour avoir exercé ces deux mandats suite à sa candidature respectivement reçue sous l’empire de l’article 35 de la défunte Constitution, Monsieur Alassane ne pourrait être candidat pour un autre mandat.
Attendu cependant qu’en se déterminant ainsi que dessus, précisément en interprétant cette disposition constitutionnelle transitoire comme reconduisant expressément les réalités d’une disposition constitutionnelle antérieure abrogée, dans celle équivalente de la constitution présentement en vigueur, les requérants ont manifestement erré. En effet, l’article 183 ainsi logé dans le chapitre 4 de la constitution intitulée : « De la continuité législative » renvoie en réalité aux textes juridiques infra-constitutionnels, donc inférieurs à la constitution. Ces textes juridiques que sont les lois, qu’elles soient ordinaires ou organiques, et les règlements qui avaient cours antérieurement à l’adoption de la nouvelle constitution du 08 novembre 2016, doivent lui être conformes. C’est tout le sens de la notion de continuité législative consacrée par le chapitre 4 du titre 16 intitulé : « Les dispositions Transitoires et finales » de ladite constitution.
Or, l’article 55 de la nouvelle constitution évoqué pour justifier que Monsieur Alassane OUATTARA, candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, serait à son 3ème mandat n’est pas une disposition législative, elle est bien une disposition constitutionnelle, de sorte qu’un tel argument manifestement inopérant, ne saurait servir de fondement à une quelconque continuité de l’article 35 de la constitution ancienne du 1er août 2000 sur la limitation du nombre de mandats présidentiels. A cet égard, c’est à pure perte que certains de ces requérants invoquent la décision n° CI-008/DCC/23-08/CC/SG rendue le 23 août 2018 par le Conseil Constitutionnel, laquelle ne saurait ébranler cette lecture de l’article 183 au regard des circonstances de sa prise. En effet, cette décision n’est intervenue que pour combler le silence de la loi constitutionnelle en vigueur, s’agissant précisément des personnalités ayant pouvoir pour saisir le Juge constitutionnel pour le compte de l’Assemblée nationale.
C’est pour pallier ce silence que, conformément à ses attributions, le Conseil constitutionnel s’est déterminé d’autorité ainsi qu’il l’a fait, précisément en se fondant, dans ses motivations, sur cet article 183 pour faire renaître aux fins envisagées les dispositions article 95 de la Constitution du 1er août 2000 ; Ainsi, en l’absence de tout silence de la loi comme c’est le cas pour les conditions d’éligibilité expressément prévues par l’article 55 de la constitution présentement en vigueur, c’est vainement que ces requérants appellent à leur secours la décision du conseil constitutionnel susvisé, celui-ci n’étant nullement adapté à la présente espèce. Il échet de rejeter en conséquence cet autre moyen comme impertinent, encore et surtout qu’il est du pouvoir du juge constitutionnel de se déterminer ainsi qu’il aviserait relativement à sa propre jurisprudence.
3- Sur les arguments tirés des déclarations faites par Messieurs OURAGA Obou, SANSAN Kambilé, BLEOU Djézou Martin, Bruno KONE, Ibrahim CISSE Bacongo et le Président Alassane OUATTARA relativement à la candidature de ce dernier
Les requérants soutiennent que ces différentes personnalités notamment et surtout le Président Alassane OUATTARA a affirmé lui-même que : « … Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé une importance particulière au respect de mes engagements. En conséquence, j’ai décidé de ne pas être candidat en 2020 » tandis que tous les autres allaient dans le sens où, le candidat Alassane OUATTARA ne pourrait briguer aucun autre mandat après celui en cours ; De telles déclarations, peu important leur solennité, ne peuvent cependant constituer une quelconque source du droit à même de lier le juge constitutionnel, chacun étant libre d’émettre toute opinion intellectuel sur un quelconque sujet.
D’ailleurs, certains autres leaders politiques que sont le Professeur Mamadou COULIBALY (Président du Parti Lider) et Monsieur Pascal AFFI N’Guessan (Président du FPI), indiquaient que : « Rien dans la nouvelle constitution promulguée le 08 novembre 2016 n’empêche le Président Alassane OUATTARA d’être candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 ». Ces déclarations sont encore vérifiables sur YOUTUBE sous le lien ci-après : https://www.youtube.com/watch?v=PXusrUqL84I, https://www.youtube.com/watch?v=_D8CDkTP1yM Il convient en conséquence de rejeter de tels arguments des requérants comme inopérants.
B-De l’incontestable éligibilité de Monsieur Alassane OUATTARA
La Constitution du 08 Novembre 2020 a effectivement consacré un nouvel ordre juridique d’où il ne peut, pour cette élection ci, résulter aucune candidature par dérivation telle que prescrite respectivement à l’article 55 alinéa 1er de la constitution en vigueur et 43 alinéa 1er du Code électoral. Ainsi, l’éligibilité du candidat à l’élection présidentielle doit être à l’aune l’alinéa 2ème de l’article 55 de cette constitution, ensemble avec les autres dispositions de l’article 43 dudit Code électorale. Or, aux termes de l’article 55 alinéa 2ème de la Constitution en vigueur, « le candidat à l’élection présidentiel doit jouir de ses droits civils et politiques et doit être âgé de trente-cinq ans au moins.
Il doit être exclusivement ivoirien, né de père ou de mère ivoirien d’origine. » Cette disposition est également reprise par les termes de l’article 43 de l’Ordonnance N° 2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électorale qui prescrivent, en outre, d’autres conditions complétives et sine qua non d’éligibilité à l’élection du président de la République. Dès lors que toutes ces conditions ont été entièrement satisfaites par Monsieur Alassane OUATTARA ainsi que l’attestent l’ensemble des pièces déposées au soutien de sa demande ou déclaration de candidature à l’élection présidentielle du 31 Octobre 2020, il s’induit aisément que Monsieur Alassane OUATTARA est parfaitement éligible à cette élection présidentielle.
Surtout qu’aux termes de l’article 56 alinéa 2ème du Code électoral, « le Conseil constitutionnel procède au contrôle de l’éligibilité des candidats conformément aux dispositions du Code électoral. » ; toute chose qui achève de convaincre de l’inefficacité des contestations abusivement élevées contre la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA. La Haute Cour de céans est priée de décider tel. Et ce sera justice.
PAR CES MOTIFS
Il est sollicité de la Haute Cour de céans : Vu la constitution présentement en vigueur ; Vu l’Ordonnance N°2020-356 du 08 Avril 2020 portant Code électoral en ses dispositions relatives à l’élection du Président de la République, notamment celles de l’article 56 alinéa 2ème ; Vu la déclaration de candidature de Monsieur Alassane OUATTARA et l’ensemble des pièces produites à l’appui conformément à la loi ; Vu la pertinence des moyens et arguments de défense exposés par Monsieur Alassane OUATTARA.
EN LA FORME –
Ordonner la jonction de toutes ces requêtes introduites en contestation de la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA. -Décider ce que de droit sur la recevabilité des requêtes présentées.
SUBSIDIAIREMENT AU FOND –
Rejeter toutes ces requêtes comme mal fondées.
-Déclarer recevable la candidature de Monsieur Alassane OUATTARA comme conforme aux dispositions légales.
Sous toutes réserves,
Pour observation en réplique
Déposée le 10 Septembre 2020
Maître Abdoulaye Ben MEITE