Alassane Ouattara entend trouver un deal avec Laurent Gbagbo pour obtenir sa neutralité lors de la prochaine élection présidentielle. Mais l’ancien président, en alliance avec Henri Konan Bédié, a décliné l’offre de son successeur.
Ouattara, Bédié, Gbagbo: L’alliance de deux qui effraie le troisième
En Côte d’Ivoire, les alliances politiques se nouent et se dénouent au gré des intérêts des acteurs politiques ivoiriens. Cette réalité est d’autant plus impérieuse qu’aucun parti politique ne peut valablement se targuer de remporter une élection présidentielle dans la configuration politique actuelle sans bénéficier du soutien de quelques alliés. Alors qu’Henri Konan Bédié était au pouvoir (1993-1999), le Rassemblement des républicains (RDR) d’Alassane Ouattara et le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo ont formé le Front républicain afin d’être un contre-pouvoir du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Marches, boycotts actifs, pressions politiques et autres ont fini par avoir raison du pouvoir du Sphinx de Daoukro, qui a finalement été renversé par un coup d’État militaire perpétré par le Général Robert Guéi, en décembre 1999.
Octobre 2000, Laurent Gbagbo accède au pouvoir à la suite d’élections « calamiteuses ». Et, en à peine deux ans d’exercice qu’il fera face à une rébellion conduite par Guillaume Soro. À la suite de multiples accords, l’opposition ivoirienne a formé la coalition du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) dont les têtes fortes sont Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié. Lors du second tour de l’élection présidentielle de 2010, le Président du PDCI s’est rallié à celui du RDR pour lui permettre de prendre le dessus sur le candidat de La Majorité présidentielle (LMP). Celui-ci se retrouvera devant la Cour pénale internationale (CPI), où il vient d’être acquitté par les juges de première instance.
Les relations entre Bédié et Ouattara se sont par ailleurs effritées, alors que l’élection présidentielle de 2020 point à l’horizon. Alassane Ouattara, qui avait décidé de passer la main à une nouvelle génération, a dû revenir dans l’arène après le décès de son dauphin Amadou Gon Coulibaly. Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo ont également déposé leurs candidatures pour prendre part au scrutin du 31 octobre 2020. Entre temps, le PDCI et le FPI ont décidé de former une alliance non idéologique pour déboulonner le RHDP unifié.
C’est donc dans cette atmosphère que le Président Ouattara a mandaté Mahamadou Issoufou, son homologue nigérien, auprès de Laurent Gbagbo, en résidence à Bruxelles, pour l’appeler à observer une neutralité durant le prochain scrutin. Et en contrepartie, il lui propose de lui accorder une grâce présidentielle pour sa condamnation de 20 ans d’emprisonnement dans l’affaire du casse de la BCEAO, s’il est réélu. Mais Gbagbo a décliné cette offre du locataire du palais présidentiel d’Abidjan.
Notons que de nombreux proches d’Alassane Ouattara, notamment Guillaume Soro, Albert Mabri Toikeusse, Marcel Amon Tanoh, pour ne citer que ceux-là, ont quitté le navire RHDP. L’alliance Bédié-Gbagbo serait-elle également une menace pour le pouvoir Ouattara ? Bien malin qui pourrait y répondre après le deal proposé à Gbagbo que Jeune Afrique vient de mettre à nu.