Vice-président du FPI pro-Affi N’guessan, en charge de la Communication, Jean Bonin Kouadio, a réagi aux propos du président Alassane Ouattara qui qualifie de « faux », les débats qui ont lieu autour de la légalité de sa candidature à un troisième mandat présidentiel. Dans la contribution ci-dessous, le juriste démontre point par point comment l’entêtement du chef de l’ Etat sortant « à fouler aux pieds la loi fondamentale ivoirienne », contribuera à plonger la Côte d’Ivoire dans le chaos.
Jean Bonin à Ouattara: « C’est gênant qu’on puisse instrumentaliser ainsi une loi fondamentale à des fins personnelles «
Attentivement, j’ai écouté l’intervention du chef de l’État sur la question de la constitution de 2016 et l’interprétation qu’il en fait. Le moins qu’on puisse dire c’est que son « homélie » posera plus de problèmes qu’elle n’en résoudra. Analysons ses paroles fortes.
1 – « Je ne veux pas rentrer dans ce faux débat de la constitution… ».
Non, M. le président, ce n’est pas un faux débat. C’est même tout le contraire. Vous aviez voulu changer la constitution de 2000 car vous prétendiez qu’elle contenait des dispositions confligènes. Force est de constater que celle de 2016 n’en est pas exempte. Pour preuve, en son nom et à cause d’elle de nombreux ivoiriens viennent d’être assassinés il y a à peine quelques jours. D’ailleurs, la spirale de violence que cette constitution engendre ne semble pas prête de s’estomper.
Dès lors, au moins pour le respect que tous, y compris-vous-même, nous devons à la mémoire de toutes ces défuntes personnes nul ne devrait qualifier ce débat contemporain de « faux débat ». C’est gênant de banaliser ainsi la question de l’interprétation de notre constitution.
2 – « Qui a proposé cette constitution pour la 3ᵉ républicaine ? C’est bien Alassane Ouattara… »
Merci M. le président. Au moins les choses sont claires. Cette constitution n’est pas l’émanation du peuple qui l’aurait initiée mais de Alassane qui a lui-même décidé de doter notre pays de SA constitution.
Mais alors, M. le président, vous comprendrez donc pourquoi cette constitution « personnelle » est confligène et surtout pourquoi elle ne peut pas concerner tous les Ivoiriens, autres que ceux de votre famille politique qui voudraient s’en servir pour pérenniser leur pouvoir. C’est gênant qu’on puisse instrumentaliser ainsi une loi fondamentale à des fins personnelles de conservation de ses acquis.
3 – « qui peut se targuer de connaître cette constitution mieux que moi ? ».
M. Ouattara, si personne ne connaît mieux que vous cette constitution pourquoi devons-nous faire confiance au Conseil Constitutionnel dont vos militants nous disent qu’il lui revient en définitive de trancher la question de son interprétation ?
Vous pouvez donc comprendre la suspicion légitime que peuvent nourrir nos concitoyens à l’égard de ce Conseil Constitutionnel qui, selon vous, ne connaît pas la constitution mieux que vous. Or, étant donné que vous avez déjà tranché en déclarant, urbi et orbi, que vous êtes éligible à un 3ᵉ mandat comment pourrait-il dire autre chose, lui qui ne connaît pas la constitution mieux que vous. C’est gênant. Très gênant même.
4 – « on ne peut pas préparer un successeur en 4 semaines ou en 2 ou 3 mois ».
M. le président, vous pouvez parler de « successeur » lorsqu’il s’agit de votre remplacement à la tête du RDR, mais nullement à la tête de la Côte d’Ivoire. Vous le savez, il n’y a que dans les royaumes qu’on désigne son successeur ; notre pays n’en est pas un. La Côte d’Ivoire est une République à la tête de laquelle un président est élu suite à une compétition électorale. C’est donc gênant de vous entendre parler de succession à la tête de l’État M. le président.
Je comprends que vous dans votre clan vous n’ayez préparé qu’une seule personne à la « succession ». C’est une faute politique grave qui vous est imputable, à vous et à vous seul, pas à toute la nation ivoirienne car il s’agit d’une affaire interne au RDR.
Si en dehors de vous et de feu AGC personne d’autre au RDR n’est apte à la fonction présidentielle c’est le signe que votre parti lui-même n’était pas préparé à la gestion collective et durable d’un État car gérer c’est prévoir. C’est également pour cela qu’un poste de vice-président a, il me semble, été créé.
Gérer c’est aussi anticiper la possibilité qu’un plan « A » ne marche pas et qu’il faudrait peut-être recourir à un plan « B ». C’est élémentaire. Vous avez travaillé dans de grandes institutions internationales. Vous n’ignorez donc pas l’importance de la prévision et de l’anticipation dans la prise de décision. C’est gênant que vous l’ayez soudainement oublié.
5 – « c’est un sacrifice que je fais. Je veux laisser le meilleur à la Côte d’Ivoire ».
Merci M. le président. Cependant, en termes de gain politique, le prix à payer pour ce sacrifice est bien trop lourd. Il crée de l’instabilité, des morts et la certitude de lendemains chaotiques. Le meilleur sacrifice que vous puissiez offrir à la Côte d’Ivoire ce serait de prendre une retraite bien méritée afin que plus jamais une vie humaine ne soit sacrifiée sur l’autel d’une ambition personnelle fortement contestée. Votre sacrifice est gênant. Il n’est pas certain qu’il soit accepté par vos compatriotes et même par les mânes de nos ancêtres.
Jean Bonin