Serge Bilé, journaliste-écrivain franco-ivoirien, a évoqué le niveau de responsabilités des Présidents Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara dans l’impasse dans laquelle se trouve la Côte d’Ivoire à quelque 3 mois du déroulement du scrutin présidentiel du 31 octobre 2020. Dans l’analyse ci-dessous de la situation, depuis le décès de Félix Houphouët-Boigny, à ce jour, Serge Bilé accuse les deux hommes politiques d’être à la base des crises successives qui ont endeuillé et continue d’endeuiller la Côte d’Ivoire.
« Ouattara et Bédié sont comptables de l’impasse dans laquelle se trouve la Côte d’Ivoire » (Serge Bilé)
Les partisans se braquent quand on parle de son grand âge. Mais à 86 ans, que peut apporter à un pays un homme fatigué à vue d’œil et usé par l’exercice du pouvoir à tous les niveaux depuis plus d’un demi-siècle ? Même si, grâce au tripatouillage de son ancien allié, la nouvelle Constitution ivoirienne lui permet d’être candidat, Henri Konan Bédié commet une faute morale en se présentant à l’élection présidentielle d’octobre. C’est le même Bédié qui expliquait pourtant, dans une interview jadis, que les politiciens de son âge sont trop vieux pour assumer la lourde charge de chef de l’Etat.
Autant qu’Alassane Ouattara, Bédié est d’ailleurs comptable de l’impasse dans laquelle se trouve ce pays. Certes Ouattara a cherché à l’évincer, à la mort de Félix Houphouët-Boigny, pour s’emparer du fauteuil présidentiel, mais la riposte a contribué à déstabiliser une nation plus fragile qu’on ne l’imaginait ethniquement. En 1994, c’est Bédié qui réforme le Code électoral et réserve le poste de président de la République aux « Ivoiriens nés de père et de mère eux-mêmes Ivoiriens de naissance », dans le seul but d’écarter Ouattara. Ah la notion de race pure !! Vieilles chimères d’autrefois !! Qui peut se prévaloir d’être de race pure dans ce pays ?? Quand la rivalité entre adversaires atteint de tels sommets, c’est la porte ouverte au pire.
La haine hier et l’esprit de revanche aujourd’hui ne sont pas de bons guides en politique, surtout quand ils animent un homme qui n’est pas exempt de reproche : son éviction du gouvernement quand il était ministre après l’affaire des surfacturations en 1977 et sa rigidité quand il était président jusqu’à sa chute en 1999, sont là pour nous le rappeler. Les supporters de Bédié auront beau me dire que l’homme a changé, il me semble que la meilleure des sagesses est de savoir s’effacer à temps.
Entre Billon, Tanoh ou KKB, ce ne sont pourtant pas les jeunes qui manquent dans son parti et qu’aurait pu départager une primaire équitable. Enfin, pour que les choses soient claires, je ne conçois aucune solidarité ethnique avec quelque candidat que ce soit et d’ailleurs chacun est libre de voter pour qui bon lui semble. Je dis juste que je n’entre pas dans ce jeu. Ni Ouattara. Ni Bédié. Ni Gbagbo. Ni Soro. C’est ma position.