Guillaume Soro a été retiré de la liste électorale provisoire 2020 remise par la CEI aux partis et mouvements politiques. À l’instar de Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé et de bien d’autres personnalités politiques de haut rang, Soro ne pourra pas jouir cette année ni de son droit de vote ni de celui de se porter candidat à l’élection présidentielle d’octobre prochain. Dans la lettre ci-dessous adressée à Coulibaly Kuibiert, président de la Commission électorale indépendante (CEI), son conseil d’avocats, exige son rétablissement sans délai sur le listing électoral.
Affaire : Exclusion de liste électorale de Monsieur Guillaume Soro
(…) Nous avons l’honneur de vous informer que Monsieur Guillaume Kigbafori SORO, de nationalité ivoirienne, né le 08 mai 1972 à Kofiplé, sous-préfecture de Diawala, ancien Ministre, ancien Premier Ministre, ancien Président de l’Assemblée Nationale, actuellement Député de la Nation et premier candidat déclaré le 12 octobre 2019 à la prochaine élection présidentielle du 31octobre 2020, nous a constitué aux fins de défendre ses intérêts relativement à l’affaire citée en référence. A cet effet, notre mandant nous a fait savoir :
• – Qu’il a constaté, avec stupéfaction, que son nom ne figurait pas sur la liste électorale provisoire, notamment celle qui a été rendue publique et remise le vendredi 31 juillet 2020 aux partis politiques ; • – Qu’au cours d’une rencontre avec la presse qui s’est tenue le mardi 4 août 2020, vous auriez laissé sous-entendre que cette exclusion se justifierait par le fait qu’il aurait été déchu de ses droits civils et politiques par une décision de justice ;
• – Qu’il estime que c’est véritablement à tort qu’il est l’objet d’une telle exclusion, toute chose à laquelle il doit être remédié sans délai, et pour cause. En effet, suite à une requête en date du 02 mars 2020, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a été saisie, aux fins de constater et sanctionner la violation de divers droits de l’homme dont jouit le Président Guillaume Kigbafori SORO et tels que garantis par de multiples instruments juridiques internationaux auxquels a adhéré l’État de Côte d’Ivoire.
Ladite Cour après avoir jugé que : • – « dans la situation où se trouvent les Requérants, le risque pour eux d’être privés de la jouissance et de l’exercice de leurs droits révèle une situation dont les conséquences imprévisibles peuvent leur causer des dommages irréparables. Elle estime aussi qu’il est nécessaire, à l’étape actuelle des procédures engagées contre les Requérants, de surseoir à l’exécution des mandats d’arrêt et de dépôt et d’observer le statu quo ante jusqu’à sa décision sur le fond », et •
– « en conséquence, la Cour estime que les circonstances de l’affaire exigent le prononcé de mesures provisoires en application de l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51 de son Règlement intérieur pour préserver le statu quo ante en attendant sa décision sur le fond dans ladite affaire », a ordonné, à titre de mesures provisoires, le 22 avril 2020, conformément à l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51(1) de son Règlement intérieur, à l’État de Côte d’Ivoire de :
« i. surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori SORO ; ii. surseoir à l’exécution des mandats de dépôts décernés contre les Requérants Alain LOBOGNON, Camara LOUKIMANE, Kanigui SORO, Yao SOUMAILA, Soumahoro KANDO, Kamaraté Souleymane KONÉ, Karidioula SOULEYMANE, Tehfour KONÉ, Simon SORO, Porlo Rigobert SORO, Félicien SÉKONGO, Marc Kidou OUATTARA, Mamadou DJIBO, Aboubacar TOURÉ, Babou TRAORÉ, Ladji OUATTARA, Gnamiand N’DRIN, Dahafolo KONÉ, Adama ZÉBRET et de les mettre en liberté provisoire ;
iii. faire un rapport à la Cour sur la mise en œuvre des mesures provisoires ordonnées dans la présente décision dans un délai de trente (30) jours, à compter de sa réception ». Contre toute attente, en violation et au mépris de l’esprit et de la lettre de la décision du 22 avril 2020 susmentionnée, l’État de Côte d’Ivoire a cru bon d’organiser et tenir une audience correctionnelle, le 28 avril 2020, devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, au cours de laquelle, en l’absence de notre client et de ses conseils, a été rendu un jugement correctionnel n°2010/2020 dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière correctionnelle et en premier ressort : Déclare Monsieur Guillaume Kigbafori SORO coupable des faits de recel de deniers publics détournés, et de blanchiment de capitaux ; En répression, le condamne à 20 ans d’emprisonnement ferme, 4,5 milliards francs CFA d’amende, 5 ans de privation de droits ; Ordonne la confiscation la confiscation, au profit de l’État de Côte d’Ivoire, de l’immeuble acquis avec les fonds détournés, et sis Marcory ;
Déclare l’État de Côte d’Ivoire bien fondé en sa constitution de partie civile et condamne Monsieur Guillaume Kigbafori SORO à lui payer la somme de 2 milliards de francs CFA, à titre de dommages et intérêts, pour toutes causes de préjudices confondus ; Constate la caducité des mandats d’arrêt antérieurement décernés par le juge d’instruction, et décerné mandat d’arrêt contre Monsieur Guillaume Kigbafori SORO ».
Au regard de ce qui précède, il est évident que le jugement correctionnel susmentionné, rendu dans les circonstances de faits et de droits ci-dessus rappelées est nul et de nul effet, puisque la Cour Africaine a demandé de surseoir à toute poursuite à l’encontre de Monsieur Guillaume Kigbafori SORO et d’observer le « statu quo ante ».
En tout état de cause, conformément au principe selon lequel les traités internationaux régulièrement ratifiés ont dès leur publication une autorité supérieure aux lois, comme le rappelle la Constitution en son article 123, le jugement correctionnel sus-évoqué ne peut prévaloir sur l’ordonnance de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 22 avril 2020 et ne saurait, en aucun cas, suffire pour justifier l’exclusion contestée de notre mandant.
C’est pourquoi, conformément aux dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n°2020-356 du 08 avril 2020 portant révision du code électoral, Monsieur Guillaume Kigbafori SORO, sollicite par la présente qu’il vous plaise de mettre fin immédiatement à son exclusion de la liste qui causerait une atteinte manifeste aux principes démocratiques de la Côte d’Ivoire et aux droits des citoyens ivoiriens.
D’ailleurs, je me permets de vous rappeler vos propos lors de votre interview radio en date du 29 juillet 2020 concernant la décision de la CADHP du 15 juillet 2020 sur la CEI, au cours duquel vous disiez que « dans tous les cas, vous êtes sensible à ce que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a dit et en application de la loi, vous allez réorganiser les commissions électorales locales pour qu’elles soient équilibrées ».
Dès lors, il serait incompréhensible que vous vous conformiez à cette décision de la CADHP intervenue le 15 juillet 2020, sans le faire pour celle qui date du 22 avril 2020. En conséquence, il vous est demandé de bien vouloir faire figurer le nom de Monsieur Guillaume Kigbafori SORO sur la liste électorale.
Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de nos sentiments distingués. Vos biens dévoués.
Pour le collectif des avocats
Maitre William BOURDON
Maitre Robin BINSARD
Maître Affoussy BAMBA
Maître DIALLO Souleymane
Maître SORO Brahima
Pièces jointes :
• – Requête en date du 2 mars 2020 susmentionnée, • – Ordonnance de la CADHP en date du 22 avril 2020.