La question d’un troisième mandat d’Alassane Ouattara se pose avec de plus en plus d’acuité. Outre l’aspect politique, le Pr Martin Bléou, juriste émérite, a décidé d’éclairer la lanterne de ses concitoyens en passant en revue les conditions d’éligibilité énoncées par la Constitution pour voir si oui ou non, le président ivoirien peut prétendre à un autre mandat.
Candidature de Ouattara, Pr Martin Bléou douche les espoirs du RHDP
Avec le décès d’Amadou Gon Coulibaly, candidat désigné à la présidentielle 2020, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) s’active pour se trouver un nouveau candidat, cet homme providentiel qui pourra faire l’unanimité et rassembler davantage le parti, à moins de 100 jours de ce scrutin crucial. Ce casting est d’autant plus serré qu’Alassane Ouattara avait décidé de prendre sa retraite politique définitive, et passer la main à une nouvelle génération. Cependant, élus et cadres du parti au pouvoir ne cessent de lancer des appels incessants au président ivoirien pour qu’il revienne sur sa décision en acceptant de rempiler pour une nouvelle mandature. Sa réponse est d’ailleurs attendue pour la fin juillet.
Même si ses partisans l’appellent à candidater, il faudra bien s’interroger si la Constitution de la troisième République lui permet de se présenter en bonne et due forme pour un 3e mandat ?
C’est à cette interrogation que le Professeur Martin Bléou a décidé de répondre à travers le thème « À propos de la question de la limitation du nombre de mandats présidentiels en Côte d’Ivoire ». « Je crois, en conscience, devoir apporter ce que je considère comme étant la réponse du droit », précise d’entrée le Juriste constitutionnaliste, avant de poser le principe édicté par la défunte Constitution, en son article 35 alinéa 1er : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. » En vertu de cette loi, « en aucun cas, nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». Mais l’avènement de la Constitution de la troisième République « marque-t-il un nouveau départ ? » au point de faire « tabula rasa » sur les deux précédents mandats.
À ce sujet, le Professeur titulaire des Universités se veut formel : « Le président de la République, qui a reçu deux mandats, l’un en 2010, et l’autre en 2015, aurait pu avoir le droit de briguer un troisième mandat, et même de se porter indéfiniment candidat à l’élection présidentielle, à une seule condition : celle de la suppression ou de l’abrogation ou, tout simplement, de la non-reconduction du principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels par la Constitution du 08 novembre 2016. »
Or, poursuit l’ancien ministre de la Sécurité intérieure, la Constitution du 08 novembre 2016 a tout simplement reconduit le principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels en son article 55 alinéa 1er : « Le président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct. Il n’est rééligible qu’une fois. » Aussi, explique-t-il : « Cette circonstance donne de constater que le principe de la limitation du nombre de mandats présidentiels n’a pas cessé d’exister pour réapparaître par la suite. Ce principe existe donc de façon continue depuis l’entrée en vigueur de la Constitution du 1er août 2000. Il est en vigueur depuis 2000, sans rupture. »
En pareille occurrence, ce principe, qui existe de façon continue depuis 2000, s’applique donc de façon continue. Ainsi, conclut Pr Martin Bléou : « Les deux mandats présidentiels, obtenus respectivement en 2010 et 2015, tombent sous le coup du principe de la limitation. Il suit de là que l’argument tiré du changement de Constitution ne saurait, en aucune manière, justifier une quelconque table rase du passé ni servir de base à l’affirmation selon laquelle les compteurs auraient été remis à zéro. »
Voilà donc l’oeil du juriste qui vient ainsi mettre fin au débat. Quels que soient les appels de son parti à briguer un autre mandat, et même les arrangements politiques qui pourraient surgir, un troisième mandat du Président Alassane Ouattara serait bien anticonstitutionnel, selon le Professeur Bléou.