Il y a quelques mois, le président Alassane Ouattara jurait de vouloir laisser les clefs de l’exécutif à la jeune génération, mais la disparition de son dauphin désigné, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, semble avoir rebattu toutes les cartes.
Amadou Gon décédé, le RHDP resserre les rangs autour d’ Alassane Ouattara
Mercredi 8 juillet 2020, une triste nouvelle secoue la Côte d’Ivoire toute entière. Le séisme se fera encore plus ressentir au sein de la famille politique du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP). Amadou Gon Coulibaly, le candidat désigné du parti au scrutin présidentiel du 31 octobre 2020, s’en est allé.
Une disparition brusque causée par un malaise cardiaque. L’homme portait en lui, l’espoir de tout un parti politique, de conserver le fauteuil présidentiel au soir de l’échéance électorale. Mais le mal pernicieux qui le rongeait depuis plusieurs années, en a décidé autrement. Le malaise est profond. C’est toute une stratégie politique qui s’effondre en un rien de temps.
Le RHDP se voit obligé de se trouver un autre candidat mais pas n’importe lequel. Celui qui sera à même de tenir la dragée haute à l’inamovible Henri Konan Bédié, candidat du PDCI-RDA. Les regards se tournent très tôt vers Alassane Ouattara, le président sortant qui, le 5 mars dernier, avait pourtant annonçé solennellement qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. A en croire la direction de son parti, »à situation exceptionnelle, décision exceptionnelle ». Quitte à fouler au pied la parole donnée.
« En l’état actuel, il est le mieux placé pour battre le candidat Bédié au premier tour. Il est également la seule alternative capable de maintenir la flamme de l’unité au sein du RHDP, pour éviter la guerre des dauphins », estime Adama Bictogo qui se dit convaincu qu’Alassane Ouattara est la seule alternative crédible après le décès de l’ex-Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
« Il n’y a que votre candidature qui puisse à nouveau rassembler toute la grande famille du RHDP. Il n’y a que vous et vous seul pour garantir la sécurité, la stabilité et la paix si chères à la Côte d’Ivoire et aux Ivoiriens », renchérit Kobenan Adjoumani, dans une lettre ouverte adressée à l’actuel chef de l’exécutif ivoirien. Pour Adjoumani, le RHDP ne saurait se payer le luxe d’aller à de nouvelles consultations pour se choisir un nouveau candidat. Surtout pas à pratiquement trois mois du scrutin présidentiel.
Une 3è candidature du président Ouattara ferait-elle l’unanimité au sein de la classe politique ivoirienne ?
En bloc, l’opposition politique répond par la négative. S’appuyant sur les recommandations de la loi fondamentale ivoirienne de novembre 2016, en son article 183. « Celui qui a fait 10 ans au pouvoir n’est pas concerné par la Présidentielle de 2020 », s’exprimait en décembre 2019, Pascal Affi N’guessan lors d’une Assemblée général de l’ OFFPI à Abidjan. La Constitution de 2016, en son article 183, a établi le principe de continuité des lois (continuité législative).
Selon les explications d’un professionnel du droit, cela veut dire que les articles de la Constitution de 2000, qui n’ont pas été modifiés par la nouvelle Constitution de 2016, restent valables et leurs effets se continuent d’une constitution à une autre. « L’article 35 de l’ancienne constitution et l’article 55 de la nouvelle constitution étant identiques, aucune modification n’ayant été apportée, ce que disent ces articles, à savoir qu’aucun président ne puisse pas faire plus de deux mandats, demeure et est indiscutable », révèle-t-il.
Cette lecture de la constitution ivoirienne est partagée par le juriste et député Marius Konan. Dans une publication relayée sur les réseaux sociaux, il ne manque pas d’interpeller le président sortant quant au risque »inutile’ qu’il ferait courir à la nation en cas de candidature au prochain scrutin présidentiel. « Le peuple ne veut pas d’un Président de la République qui ferait plus de deux mandats; il l’a exprimé dans la constitution d’août 2000 et confirmé en novembre 2016 dans la loi fondamentale que vous avez fait adopter », rappelle-t-il au chef de l’ Etat.
«Notre pays a besoin de consolider ses acquis et de valoriser les succès de 2011 à ce jour, une tentative de troisième mandat lui ferait courir un risque inutile. C’est pourquoi, il vous faudra faire une distinction entre la volonté de quelques partisans et celle du peuple », a ajouté le député d’Attiégouakro, invitant le président Ouattara à prêtrer des oreilles sourdes à ces appels incessants.
Pour l’heure, Alassane Ouattara, lui, laisse encore peser le suspense sur sa décision de faire acte de candidature ou non au scrutin présidentiel du 31 octobre. Mais les pressions venant des cadres de la haute direction de son parti, pourraient sans doute le conduire à « trahir » sa propre parole et peut-être aussi la constitution de 2000 qui lui a permis d’être reconduit brillamment à son poste au soir de l’élection présidentielle de 2015.