Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA a dévoilé, jeudi 28 novembre 2019, lors d’un point de presse tenu à son siège sis à Abidjan Cocody, les raisons qui ont motivé son abstention à l’occasion du vote qui a vu l’adoption de la loi de Finance portant budget 2020 de l’État de Côte d’Ivoire. Dans la déclaration lue par le député Akoto Olivier, le parti d’Henri Konan Bédié relève en 6 points, de réelles insuffisances contenues dans ledit projet. Notamment l’importance du poids de la dette dans le budget de l’État, le caractère peu réaliste des prévisions des ressources et des charges et la non prise en compte de la gratuité de la CNI.
Budget 2020 de l’ Etat : Le PDCI-RDA dénonce l’importance du poids de la dette
Le Groupe parlementaire PDCI-RDA a examiné avec attention le projet de loi de finances portant budget de l’État pour l’année 2020 qui s’équilibre en ressources et en charges à 8 061 013 330 830 F Cfa. Il est composé de recettes et de dépenses budgétaires, de ressources et de charges de trésorerie ainsi que de recettes et de dépenses des Comptes Spéciaux du Trésor.
À l’instar des autres pays de l’UEMOA, la Côte d’Ivoire s’est engagée dans des processus de mise en œuvre des directives communautaires relatives aux reformes des finances publiques. A cet égard, le nouveau cadre harmonisé des Finances publiques a été mis en place par la Loi n° 2014-336 du 05 juin 2014 relative aux Lois de finances et la Loi organique n° 2014-337 du 05 juin 2014 portant code de transparence dans la gestion des Finances publiques, de même que par plusieurs actes réglementaires. Ainsi après plusieurs années de mise en train, la Côte d’Ivoire a définitivement basculé dans le système de budget-programme tel que défini par le nouveau cadre harmonisé des finances publiques à partir du 1er janvier 2020.
Le budget-programme est un mode de gestion des finances publiques avec pour but d’instaurer une plus grande cohérence entre les objectifs de développement et les allocations budgétaires. Dans ce système, les crédits budgétaires sont adoptés par programme, les prévisions sont axées sur les programmes et concordent pleinement avec les plans de dépenses du budget annuel. Par ailleurs, dans le budget-programme, les rapports annuels sur les résultats de l’exécution des programmes sont établis par tous les ministères et services gouvernementaux. Ce nouveau mode de gestion se caractérise surtout par une nouvelle approche de l’élaboration et de l’exécution du budget qui met l’accent sur les priorités de moyen et long terme, associée à des objectifs de résultats. Ainsi, contrairement au budget annuel, le budget-programme est élaboré et présenté pour une période de trois ans.
Dans le cadre de ce basculement, les différents ministres du gouvernement se sont succédé pour présenter les 142 programmes financés par le budget de l’Etat pour l’année 2019. Nous tenons à saluer la présence effective de ces ministres et regrettons l’absence du Ministre de l’Education Nationale, de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, Mme KANDIA CAMARA et celle du Ministre des Affaires Etrangères, Monsieur AMON TANOH, qui ne sont pas venus présenter et défendre le budget de leur département ministériel.
Le mercredi 27 Novembre 2019, les députés réunis en séance plénière ont adopté à la majorité des députés présents, le projet de lois de finances portant Budget de l’Etat pour l’année 2020.
Cependant le Groupe Parlementaire PDCI-RDA s’est abstenu de voter ledit projet de lois pour les raisons suivantes :
1. L’imprécision dans la définition des indicateurs de performances des programmes
2. Le caractère peu réaliste des prévisions des ressources et des charges
3. L’insuffisance de crédits alloués aux collectivités territoriales
4. L’importance du poids de la dette dans le budget de l’Etat
5. La non prise en compte de la gratuité de la CNI
6. L’utilisation abusive de la législation par ordonnance
1- L’imprécision dans la définition des indicateurs de performances des programmes
Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA regrette que les indicateurs de performances pour la plupart des programmes soient inexistants ou manquent de précisions et ne permettent pas ainsi de voir l’évolution d’un programme d’une année à une autre.
À titre d’exemple sur le budget de la santé, il n’est pas indiqué le taux de mortalité infantile, maternelle, l’espérance de vie, qui sont des indicateurs fondamentaux indispensables au suivi du programme.
2- Le caractère peu réaliste des prévisions des ressources et des charges
Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA dénonce le caractère peu réaliste des prévisions budgétaires. Cette situation a été également relevée par la Cour des Comptes qui, tout en notant les déficits budgétaires des 3 dernières années, s’interroge sur la sincérité des projections budgétaires inscrites au projet de lois de finances portant budget de l’Etat pour l’année 2020.
3- L’insuffisance de crédits alloués aux collectivités territoriales
Le Groupe Parlementaire PDCI-RDA, constate avec regret que les crédits alloués aux collectivités territoriales (communes, régions et district) sont moins de 3% du budget de l’État. Cette situation est déplorable d’autant plus que le développement de la Côte d’Ivoire devrait reposer sur ces structures décentralisées.
4- L’importance du poids de la dette dans le budget de l’Etat
Bien que l’encours de la dette publique totale rapportée au PIB nominale soit inférieur à la norme communautaire de critères de convergences, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA s’inquiète du rythme d’endettement en devise de notre pays qui pourrait à terme plomber l’évolution de son économie.
5- La non prise en compte de la gratuité de la CNI
La Côte d’Ivoire vient d’adopter une loi instituant une nouvelle Carte Nationale d’Identité (CNI) biométrique avec de nombreux avantages sécuritaires qui doit en remplacer dès 2020 les Cartes Nationales d’Identité actuelles.
L’annonce faite du coût de délivrance (5 000 F Cfa) de cette nouvelle pièce d’identité a suscité de nombreuses réactions tant parmi les parlementaires que les acteurs de la société civile.
Tenant compte du caractère obligatoire de cette pièce et du niveau de paupérisation de la population, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA a proposé un amendement demandant que le budget de l’État supporte les frais d’établissement de la CNI afin que tout requérant bénéficie gratuitement de cette pièce.
Cet amendement a été malheureusement rejeté par le RHDP alors que les ressources financières nécessaires à l’établissement de la CNI de 7 millions d’Ivoiriens pouvaient être réunies à travers une augmentation du taux de la taxation ad valorem sur le tabac.
6- L’utilisation abusive de la législation par ordonnance
Le préambule de la Constitution du 08 novembre 2016 proclame l’attachement du Peuple de Côte d’Ivoire aux principes de la Séparation et de l’équilibre des pouvoirs : Pouvoir Exécutif, Pouvoir Législatif et Pouvoir Judiciaire. À cet égard, des domaines respectifs sont réservés notamment au Pouvoir Exécutif, détenu par le Président de la République et au Pouvoir Législatif, exercé par le Parlement (Assemblée Nationale et Sénat). Ainsi le domaine de la loi tel que défini par l’Article 100 de la Constitution relève du Parlement et toutes les autres matières sont de la Compétence du président de la République.
Au nom de la nécessaire collaboration entre ces deux pouvoirs, mais aussi en raison des exigences d’efficacité et de célérité auxquelles est soumis le pouvoir exécutif, la Constitution autorise le Président de la République à intervenir dans le domaine de la loi par le biais des ordonnances.
Se fondant sur cette disposition constitutionnelle, une pratique constante s’est établie d’insérer, dans la loi de finances portant Budget de l’État de l’année, une autorisation donnée au Président de la République de prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, pour la mise en œuvre de son programme en matière économique et financière.
Mais au regard de l’usage abusif et excessif qui est fait de cette autorisation aussi bien par le nombre important d’ordonnances que par la diversité des matières qu’elles régissent, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA a proposé un amendement mettant fin à cette autorisation tacite de législation par ordonnance inséré dans la loi de finances.
Cet amendement, qui n’empêche pas le Président de la République de légiférer par ordonnances par le biais d’une loi d’habilitation dûment adoptée par le Parlement conformément à l’article 106 de la Constitution, a été malheureusement rejeté par le RHDP.
En conséquence de ce qui précède, le Groupe Parlementaire PDCI-RDA a émis de fortes réserves et s’est abstenu de voter le projet de loi de finances portant budget de l’État pour l’année 2020. Il demande au Président de la République de ramener en seconde lecture ledit projet de loi tout en prenant soin de corriger les insuffisances relevées par le Groupe Parlementaire PDCI-RDA.
Fait à Abidjan, le 28 novembre 2019
POUR LE GROUPE PARLEMENTAIRE PDCI-RDA
LE PORTE-PAROLE
AKOTO KOUASSI OLIVIER
Député de Daoukro/N’Gattakro