Pr Gnaoulé Oupoh, cadre du FPI de Laurent Gbagbo, a, dans une contribution publiée sur les réseaux sociaux, invité Guillaume Soro, ancien patron de la rébellion du MPCI, à dévoiler les véritables financiers de l’insurrection armée de septembre 2002 contre le régime de Laurent Gbagbo.
« Pour ta dignité ! Et pour la vérité ! Dis courageusement ce que tu sais (de la rébellion)’’, lance Pr Gnaoulé Oupoh à Guillaume Soro dans une missive.
C’est un de tes anciens maîtres de l’université d’Abidjan Cocody, le professeur Bruno Gnaoulé Oupoh qui t’adresse cette note. Exerçant au département de Lettres Modernes, tu ne m’as pas eu comme enseignant. Ce sont mes collègues du département d’Anglais où tu étais inscrit qui ont assuré ton encadrement. C’est pourquoi je me présente à toi comme un de tes anciens maîtres de l’ex Faculté des Lettres Arts et Sciences Humaines (Flash) dont les départements des Lettres Modernes et Anglais faisaient partie. C’est aussi pourquoi je m’autorise avec toi sur ce ton familier du tutoiement que la grande personnalité politique habituée à tous les particules de respect voudra bien me pardonner.
Cela dit, venons à l’objet de ma missive.
Formé aux idéaux du marxisme léninisme tu as intégré la Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’ivoire (FESCI) un syndicat de gauche dont tu as assuré la direction en qualité de Secrétaire général entre 1995 et 1997. En 2002 au moment où le Front populaire ivoirien parti de gauche, exerçait le pouvoir d’État, tu apparais sur la scène politique ivoirienne comme le dirigeant de l’aile militaire du Mouvement patriotique de Côte d’ivoire (M.P.CI) qui a engagé un coup de force contre l’Etat de Côte d’ivoire dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002.
Ce coup de force visant à évincer du pouvoir d’État le président de gauche Laurent Gbagbo, ayant échoué, se mue en une rébellion retranchée dans la partie nord du pays et dont tu revendiques l’entière et unique paternité jusqu’à ce jour. Pendant près d’une décennie 2002 – 2011, avec acharnement et esprit de suite conséquents, tu as combattu le régime socialiste jusqu’à la destitution du président Laurent Gbagbo sous les bombes franco-onusiennes. Sans la moindre réserve ni regret, tu as applaudi à l’avènement du régime néo-libéral qui gouverne notre pays de façon implacable sous une loi d’airain depuis maintenant neuf longues années, et dont tu dénonces toi-même aujourd’hui la terreur d’État.
Alors première question. S’agit-il d’une apostasie idéologique ? En d’autres termes aurais-tu renié en renégat tes convictions socialistes ? Autrement dit, serais-tu devenu un libéral ? La réponse à cette question est d’autant plus fondamentale que tu viens de te déclarer candidat à la présidentielle de 2020 ? Dans quelle posture idéologique ? Tes éventuels électeurs, maintenant que tu t’engages dans la voie démocratique d’accession au pouvoir, ont le droit de savoir ce que tu es devenu et où tu veux conduire notre pays.
Mais les préoccupations principales de cette missive sont ailleurs que dans ces considérations principielles, secondaires, au regard des contours et des enjeux fondamentaux de la rébellion que tu as conduite.
En 2002 au moment où tu t’es déclaré responsable de la rébellion, tu étais un étudiant en 2ème année d’Anglais. Un étudiant désargenté comme tous ceux de ta génération celle des années 90 dont le plus grand nombre percevait une aide modique de moins de vingt mille francs (20 000 frs CFA) dénommé N’daya qui suffisait à peine à payer la chambre d’étudiant et quelques tickets du restaurant universitaire.
Guillaume Soro, tu étais en 2002 dans cette situation très modeste, dans une des cités universitaires de Port-Bouët.
Alors question fondamentale, avec quel argent tu as pu acheter les armes lourdes et toute la logistique très couteuse pour engager la guerre contre ta patrie ? En d’autres termes, puisque ce financement ne peut être de ton fait, qui a financé la rébellion dont tu t’es déclaré responsable.
La réponse à cette question est d’autant plus impérative pour toi que cette guerre a été très meurtrière pour tes compatriotes. Au-delà de la rengaine politique des médias occidentaux qui claironnent toujours sans la moindre enquête, 3 000 morts, le décompte effectué par le peuple Wê qui a payé le plus lourd tribut fait état de plus de 30 000 morts pour les seules régions du Cavally et du Guémon. C’est sans exagération aucune, qu’on peut parler de plus de 50 000 morts sur l’ensemble du territoire national.
J’entends déjà des esprits retors me dire pourquoi remuer encore le couteau dans la plaie au moment où on parle de réconciliation.
Mon propos est d’autant plus fondé que la réconciliation, la vraie, se nourrit de vérité. Alors ma question demeure. Guillaume Soro qui a financé cette vaste entreprise meurtrière, ethnocidaire et génocidaire ?
En réponse à cette question, un de tes chefs de guerre, un second couteau donc, a pointé du doigt le chef d’Etat actuel qui continue de dire comme il l’a toujours fait, qu’il n’est concerné ni de près ni de loin par cette rébellion.
Mais que vaut la parole d’un sous-fifre ? Un second couteau de surcroît analphabète ?
Toi Guillaume Soro, tu es le plus grand sachant de cette rébellion que tu as conduite de bout en bout. Donc tu connais tous les tenants et aboutissants de cette sale guerre.
Toi seul peux et doit répondre à cette question. Depuis la publication de ton opuscule « Comment je suis devenu rebelle » jusqu’à tes dernières démêlées avec le RHDP, tu parles sans rien dire d’essentiel. Tu as le devoir de dire la vérité au peuple ivoirien souverain qui seul peut décider de t’absoudre ou pas devant le tribunal de l’histoire.
Tu es quasiment reclus en Europe depuis plusieurs mois. Tu avais annoncé ton retour fin octobre et tu n’es pas encore revenu. Un quotidien de la place nous a annoncé la semaine dernière qu’un mandat d’arrêt international a été lancé contre toi sans les sempiternelles dénégations de la part des thuriféraires et autres répondeurs automatiques du régime, tes anciens amis qui se repaissent de tes déboires, en te traquant, en te poussant à bout. Or tu l’as dit toi-même samedi dernier à Milan en Italie : « Il ne faut pas pousser les gens à bout ».
Je regarde et je dis : « c’est toi Guillaume qui est assis là comme ça tu ne parles pas, on te pousse, on te pousse, mais à un moment donné, la dignité, c’est ça qui nous reste ».
Ta tête est mise à prix et ne vaut pas un sou vaillant. Si tu reviens tes partisans vont certes t’accueillir, mais le régime va te cueillir pour te réduire au silence au mieux dans un cachot, au pire dans une tombe.
Si tu ne reviens pas ta candidature à la présidentielle risque d’être forclose pour absence du territoire national.
Que gagnes-tu en t’emmurant dans le silence ? Rien. Il est donc temps que tu parles pour ta dignité. Face au peuple ivoirien dont tu envisages de solliciter les suffrages, tu as l’impérieux devoir de lui dire la vérité en répondant hic et nunc à ces deux questions :
1. Qui a financé la rébellion et est donc comptable des milliers de morts ?
2. Qui a gagné les élections de 2010 ?
Tu as assurément la réponse à ces questions. En parlant maintenant, et en donnant toutes les preuves que tu détiens, tu dégageras en partie ta responsabilité, d’une part parce qu’il faudra bien que la ou les personnes que tu auras désignées, s’expliquent. D’autre part tu assureras ipso facto ta propre sécurité, parce que le ou les coupables identifiés par tes soins se garderont, pour ne pas avouer, d’attenter à ta vie, parce que c’est celui à qui profite un crime qui le commet ou le fait commettre. Ce qui est de facto un aveu. Et toute la vérité éclatera enfin sur ce triste épisode de l’histoire de notre pays. Qu’enfin tous les masques tombent, que le peuple ivoirien voit enfin les hideux visages de ceux qui ont balafré notre patrie à toi et à moi qui n’en avons qu’une seule, la Côte d’ivoire.
Pour que plus jamais ça ! Plus jamais ça ! Plus jamais ça !
Voilà la contribution que je te demande d’apporter à la vraie réconciliation nationale que tous les Ivoiriens attendent de tous leurs vœux.
Guillaume Soro à toi la parole. Prends-la ! Pour ta dignité ! Et pour la vérité ! Dis courageusement ce que tu sais.
GNAOULE OUPOH
Vice Président du FPI