Comme le dirait un trader de la société BLACK ROCK, « les Ivoiriens nagent avec les requins » dans la perspective des prochaines élections de 2020. Ce qu’il a été donné de voir la semaine dernière, mérite une petite autopsie au travers du prisme du bien-être du citoyen. Une mobilisation exceptionnelle de militants, et un meeting qui aura réuni du monde et éloigné tout le monde des vraies problématiques du pays. L’opposition a planté le décor d’un prochain bras de fer électoral en Côte d’Ivoire qui sera arbitré par le Général Diomandé Vagondo.
La mobilisation des militants est-elle une vraie réponse aux problèmes du pays?
Le samedi 26 janvier 2019, le premier congrès du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) a eu lieu. Plusieurs dizaines de milliers de militants s’étaient donné rendez-vous au stade Félix Houphouët Boigny pour la grand-messe. Ce qui comptait dans cette mobilisation était moins la constitution du nouveau parti. Vu que le RDR se rebaptisait tout simplement. L’objectif était une démonstration de force après la défection de Guillaume Soro et d’Henri Konan Bédié. Il fallait évaluer la teneur du parti et la ferveur des militants pour un parti désormais très divisé.
Un pari réussi pour Adama Bictogo qui s’était particulièrement bien illustré aux yeux des militants dans le nettoyage de la case verte devenue orange. Le président du comité d’organisation avait attaqué de front, l’ex-président de l’Assemblée nationale. « Guillaume Soro devait libérer le tabouret » (démissionner). Le parti s’en était trouvé très secoué.
Dans ce contexte de démonstration de force, l’opposition qui était jusque là infirme, avait besoin de la sienne. Démontrer au pouvoir de Ouattara sa viabilité et sa pertinence sur l’échiquier politique national. Après plusieurs médiations et tractations, cela a finalement eu lieu le samedi 14 septembre 2019. Une foule de militants, est venue apporter la réplique au RHDP. Le PDCI-RDA qui a réussi pour l’occasion, à rallier le FPI en crise de Laurent GBAGBO, n’avait d’autres choix que de frustrer Pascal Affi N’GUESSAN, l’un de ses premiers partenaires qui le lui a bien fait savoir. Rappelons que la fête de la liberté du FPI dirigé par Affi le 6 mai 2019 avait drainé du monde et conforté le leader contesté dans sa légitimité.
Il s’était laissé aller au discours rassembleur : « Nous progressons vers l’unité, le FPI est le parti de l’unité, l’unité est en marche, si la rencontre du 20 au 21 mars n’a pas eu lieu, soyez confiants, l’unité est en marche et nécessairement nous nous retrouverons et nous irons ensemble aux élections de 2020 ». Ce voeu pourrait être compromis par des contingences qui rendent difficile la consolidation du bloc de l’opposition ivoirienne.
Alors que Blé Goudé et Laurent Gbagbo restent encore loin du pays, le PDCI peine à trouver un candidat viable. De plus, les slogans en faveur de Laurent Gbagbo, scandés au rassemblement de l’opposition à Treichville, soulignent la complexité d’un rapprochement. En outre, l’équation Guillaume Soro, semble mettre mal à l’aise Henri Konan Bédié et le PDCI qui se contentent d’exhiber les collaborateurs de ce dernier. L’ex-président de l’Assemblée nationale est devenu peu fréquentable dans la perspective d’un rapprochement rêvé avec Laurent Gbagbo, qui ne veut pas en entendre parler. En bon réserviste pour 2025, Blé Goudé garde le silence et observe. Tout le monde en a-t-il moins pour le peuple?
On reprend les mêmes, on recommence et on espère un résultat différent!
Cela relève de la folie pour parler comme Albert Einstein. Le problème de la classe politique ivoirienne vient de son incapacité à préparer une relève politique viable. Ni le RHDP ni le PDCI RDA, encore moins le FPI n’ont réussi à construire un avenir politique en dehors de leurs mentors historiques. Depuis ces 20 dernières années, en Côte d’Ivoire, les alliances politiques sont devenues gage de victoire. Dans une telle dimension, les intérêts de groupes privés ne pouvaient que prendre le pas sur la perspective de la construction d’une nation démocratique et prospère. Les socles claniques aidant, il est bien facile de corrompre et de procéder à des achats de voix ou des intimidations.
Jouer sur la peur de représailles en cas de victoire de l’adversaire, constitue désormais le fond du discours politique. L’on a assisté ces 6 deniers mois à un ballet d’hommes politiques dans le nord du pays. Cette région est subitement devenue l’eldorado politique ou ne pas se rendre ferait d’eux des « has been ». Mieux, d’autres y ont plus droit que certains. La polémique autour du séjour mitigé de Simone Gbagbo l’atteste bien. Comment peut-on se préoccuper de l’avenir d’un pays quand les intérêts privés conduisent des hommes politiques à prendre en otage des populations? Les militants de chaque parti s’affrontent car indignés par procuration.
En Côte d’Ivoire, la classe politique a réussi à ne tirer aucune leçon de l’impact chaotique de son action sur la vie des Ivoiriens. De petites crises à des divisions profondes, le pays a récolté une violente crise armée de 2002 à 2010. Fruit du génie politique des leaders que les jeunes vénèrent. Les ivoiriens peuvent continuer de remplir les stades mais si les hommes politiques ne s’engagent pas pour la paix, 2020 pourrait enfanter 2010. Si les hommes politiques n’assument pas leur rôle constitutionnel de formation des militants au civisme et à leurs responsabilités vis-à-vis de la loi, c’est bien pour en faire du bétail votant.