« La propagande est l’art de persuader les autres d’une chose à laquelle on ne croit pas soi-même ». A la lecture de cette phrase d’Abba Eban, vous ne pouvez que sourire comme un ivrogne si vous êtes en Côte d’Ivoire. A notre époque et en Côte d’Ivoire, l’on l’aurait auréolé d’un pouvoir de prophète. Tant la pertinence de cette citation traduit la réalité d’un gouvernement qui a été offert au peuple de Côte d’Ivoire, à 14 mois de l’élection présidentielle, sous l’astuce classique de « réaménagement technique ». Elle est parfaitement appliquée cette technique là. Celle consistant à régler le gouvernement sur le thermostat d’une élection à venir, et lui donner des allures d’équipe de campagne au cas où.
Un gouvernement de mission « électorale »?
Au cas où on se faisait appeler gouvernement de mission? A quelles fins? Vu que le président Alassane Ouattara est en fin de mandat? Le commun des Ivoiriens, habitué aux effets d’annonce, n’y croie pas. Pas plus que le chef du gouvernement, qui lui-même a fait le casting. La Côte d’Ivoire est bien représentée dans ce gouvernement; l’ouest, le centre ouest, le nord (classique), l’est, le sud, etc…
Et tous les nominés ou nommées sont désormais hantés par une obligation de reconnaissance. Certains ont dû batailler dur pour s’y maintenir, alors que d’autres ont versé des larmes à l’annonce de leur départ du gouvernement. Coulibaly Sangafowa est parti laissant exploser son ministère. Toutefois, à l’épreuve du terrain, Amadou Gon Coulibaly appréciera la loyauté de chacun.
Pour l’heure, même si le doute plane encore sur la candidature du chef de l’Etat, une maxime sera respectée: On n’organise pas d’élections en Afrique pour les perdre, quand on est président sortant. En tout cas le parti doit le garder, et le mot d’ordre transparait dans la formation du nouveau gouvernement. L’exception naïve de Laurent Gbagbo confirme bien la règle de la longévité au pouvoir en Afrique. Mahamadou Issoufou a bien pris le soin de garantir le CDD de son fidèle BAZOUM, et en Côte d’Ivoire, cela pourrait échoir à un Gon Coulibaly pas très viable….politiquement.
Chacun joue sa fidélité militante au prisme de ses intérêts au gouvernement
Tout compte fait, le président du RHDP, c’est à dire le président de la République, attend que son parti lui demande de ne pas se présenter à la prochaine élection présidentielle, pour qu’il se retire. S’il y croit, les Ivoiriens y croiront aussi. Autrement, la loi de la propagande est respectée. Au service de qui sera finalement l’équipe de campagne des 50? Ce n’est pas le plus important vu que la majorité des élus du RHDP sont déjà en mission pour le parti présidentiel. Peu importe qui portera le fanion du « parti orange », il faut mériter ses intérêts, sa réélection ou sa nomination dans un prochain gouvernement. Chacun joue sa fidélité militante au prisme de ses intérêts économiques et avantages institutionnels.
Ce n’est donc surtout pas le moment de se découvrir des talents de pleureur au moment où les budgets des ministères feront office de budgets de campagne. C’est tout le bénéfice en cas de victoire; l’ivresse de la liesse populaire emportera dans ses sillages les bilans de campagne. Ou aussi en cas de défaite, l’absence de passation de charges emportera dans ses sillages des pans entiers des bilans de gestion des institutions.
L’autorité de la bonne gouvernance n’ayant pas pouvoir de fixer des limites à l’utilisation des fonds publics à des fins privées. Si des magistrats n’ont pas été inquiétés alors qu’ils refusaient de déclarer leurs biens, ce n’est pas à leur chef de la magistrature suprême qu’il faudra demander des comptes de campagne. Au nom de quels principes républicains sont-ils contraints de respecter les lois? Finalement, « la Côte d’Ivoire a besoin de rester seule pour réfléchir un peu », comme le disait un jeune de ce pays.