Dans une communication sur son compte Twitter, le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly se félicite du coût de la politique sociale du gouvernement. 2290,9 Milliards FCFA auraient contribué à faire reculer la pauvreté dans le pays. Sans création de richesses équitablement redistribuées, comment pourrait-on parler de recul de la pauvreté avec une population assistée?
Lutte contre la pauvreté, un décalage entre les chiffres de la banque mondiale et ceux du gouvernement
» Le travail du gouvernement porte ses fruits: le niveau de pauvreté en Côte d’ivoire est à la baisse. Les dépenses sociales sont passées de 885,2 milliards Fcfa en 2010 à 2290,9 milliards Fcfa en 2018. Bâtir une Côte d’Ivoire prospère et en paix reste ma première priorité ». Tel est l’essence du message du premier ministre ivoirien publié sur son compte Twitter le 14 Août 2019. Difficile de comprendre qu’investir dans des dépenses non productives, soit source de fierté.
Le gouvernement de Côte d’Ivoire, féru de chiffres, privilégie une communication en faveur de son action à quelques mois des prochaines élections; c’est de bonne guerre. Pourtant, de nombreuses institutions internationales ne cessent de contredire les chiffres du premier ministre. Pour comprendre l’impact de l’effort du gouvernement dans sa lutte contre la pauvreté, il est pertinent de jeter un regard sur le contexte global de la question.
Une récente étude de la banque mondiale sur le pays donne des précisions dans ce sens. Selon la Banque Mondiale, entre 1985 et 2011, l’ampleur et l’intensité de la pauvreté ont augmenté fortement. L’on a enregistré un taux d’accroissement passant d’environ 10 % à 51 % de la population sur la période indiquée. Toutefois, selon la dernière enquête sur les niveaux de vie, réalisée par les autorités, le redressement économique récent a permis de faire reculer la pauvreté à 46,3 %. Soit un recul de 4,7% de 2010 à 2018.
Pas de quoi se réjouir vu l’importance de l’investissement. De plus la Banque Mondiale constate que » La dynamique de croissance rapide affichée par la Côte d’Ivoire n’a pas donné les résultats attendus sur le plan de l’inclusion et de la réduction du taux de pauvreté, qui reste élevé. Le pays se trouvait au 170e rang sur 189 pays dans le rapport 2018 du PNUD sur l’indice de développement humain ».
Elle note également que » La Côte d’Ivoire devra réussir à redistribuer davantage les fruits de cette croissance aux populations les plus vulnérables et développer son capital humain afin de mieux répondre aux besoins du marché du travail. En effet, la création de produits et les services modernes requièrent des compétences qui manquent encore à la main-d’œuvre locale ». Le constat est que le système éducatif et la formation technique actuelle dans le pays, restent loin de satisfaire à cette exigence.
Et si l’on produisait pour réduire la pauvreté plutôt que d’assister?
Le président Alassane Ouattara a placé l’année 2019 « sous le signe du social », avec pour objectif de rendre les services sociaux accessibles et abordables pour les plus vulnérables. Et de créer des milliers d’emplois pour les jeunes, puis de recruter plus de 10 000 enseignants aux cycles primaire et secondaire. Mais après cette annonce et le lancement du concours de recrutement de 10800 enseignants, aucun résultat concret n’a été enregistré.
Si la question du recrutement des enseignants est intervenu dans un contexte de crise (crise de l’enseignement), de milliers des millions de jeunes restent encore frappés par le chômage. Au regard de la réalité dans le pays, nous noterons que la population a besoin de dignité et de travail. Les jeunes ont besoin d’être accompagnés dans la réalisation de leurs projets de vie et non d’être assistés. Il n’est certainement pas convenable que le gouvernement se plaise à être à côté de la plaque et gaspiller l’argent de nos impôts.
Selon un rapport de la Banque africaine de développement (BAD), la part cumulée des emplois vulnérables et des chômeurs dans la population active a atteint un record inquiétant. Le taux varie entre 70 % et 90 % en Côte d’Ivoire. Sous le terme « emplois vulnérables», on trouve bien entendu les contrats de travail qui ne sont pas des contrats à durée indéterminée et dont la durée est donc limitée ou non définie (c’est-à-dire que le salarié ne sait pas exactement quand sa mission se terminera). Il s’agit notamment des contrats d’intérim, des contrats à durée déterminée et d’autres contrats sans sécurité ni garantie de durée.
Loin de la bataille des chiffres, et si le gouvernement optait pour la création d’emplois en privilégiant l’entreprenariat agricole? Pourquoi insister à opérer des choix qui ne rapportent pas grand chose. Alors que selon le gouvernement, l’agriculture offrirait 60% des besoins d’emplois en Côte d’Ivoire, contre 40% pour le secteur tertiaire. Pourquoi le premier ministre met-il la fonction public au cœur de sa stratégie de réduction de la pauvreté? Et enfin, quelle traçabilité pour constater l’impact réel des 2290,9 milliards, sur le recul de la pauvreté dans le pays?