La Chambre préliminaire I a rendu la motivation écrite de sa décision du 15 janvier dernier. Fatou Bensouda, la procureure de la CPI, qui envisageait interjeter appel contre ce verdict va-t-elle finalement se désister ?
CPI, l’appel de Fatou Bensouda aurait-il des chances de prospérer ?
15 janvier 2019, le juge-président Cuno Tarfusser a prononcé « l’acquittement et la libération immédiate » de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé poursuivis pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, à la majorité des 2/3 des juges. Mais l’ancien président ivoirien et le ministre de la Jeunesse de son dernier gouvernement ont été libérés sous conditions par la Chambre d’appel, le 1er février, à la suite de l’appel d’un procureur. Le Bureau du Procureur attendait toutefois la motivation écrite des juges de première instance avant d’étudier l’éventualité d’interjeter un appel de cette décision.
C’est désormais chose faite, car ce mardi, la Chambre préliminaire I a ainsi motivé sa décision :
i) le Procureur n’a pas démontré qu’il existait un « plan commun » destiné à maintenir Laurent Gbagbo au pouvoir et comprenant la commission de crimes à l’encontre de civils ;
ii) le Procureur n’a pas étayé l’allégation d’existence d’une politique ayant pour but d’attaquer une population civile, sur la base des modes opératoires récurrents auxquels auraient répondu les violences et des autres éléments de preuve indirects cités à l’appui de cette allégation ;
iii) le Procureur n’a pas démontré que les crimes tels qu’allégués dans les charges ont été commis en application ou dans la poursuite de la politique d’un État ou d’une organisation ayant pour but d’attaquer la population civile ;
iv) le Procureur n’a pas démontré que les discours prononcés en public par Laurent Gbagbo ou Charles Blé Goudé étaient constitutifs du fait d’ordonner, solliciter ou encourager la commission des crimes allégués ni que l’un ou l’autre des accusés a contribué en connaissance de cause ou intentionnellement à la commission de tels crimes.
Après cet exposé des motifs, la Procureure Fatou Bensouda dispose d’un délai d’un mois pour former son appel si elle le juge nécessaire. Ce délai commence donc à courir à partir de la fin des vacances judiciaires (19 juillet au 12 août).
La procureure gambienne pourrait toutefois avoir de la matière à faire valoir dans la mesure où la juge dissidente Herrera Carbuccia a conclu qu’il y avait « des éléments de preuve suffisants qui, s’ils étaient admis, permettraient à une chambre de première instance raisonnable de déclarer Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé coupables des crimes contre l’humanité commis contre la population civile dans le contexte des violences postélectorales en Côte d’Ivoire (meurtre, tentative de meurtre, viol, actes inhumains et persécution) ».