Au Nord de la Côte d’Ivoire, extrême pauvreté de la population sert de fonds de commerce aux hommes politiques issus de la majorité au pouvoir. Si les habitudes deviennent une seconde nature, les comportements claniques en politique ivoirienne, eux, restent l’habitude des membres et ex-membres de la majorité au pouvoir en Côte d’Ivoire. Depuis plusieurs semaines, de Guillaume Soro à Bruno Koné, en passant par Amadou Gon Coulibaly, tous les hommes politiques issus du nord de la Côte d’Ivoire, y vont en pèlerinage politique. Que représente le nord de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, qu’il ne représentait hier ?
L’étonnante ruée vers le nord de la Côte d’Ivoire par les hommes politiques
De l’opposition pro Guillaume Soro aux émissaires du président Alassane Ouattara, la tendance est aux meetings et tournées dans le nord du pays. Dès sa démission de la présidence de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro avait ouvert en février dernier sa série de tournées dans le nord de la Côte d’Ivoire, aux allures de visite d’État. De cette position, il avait régulièrement chargé le pouvoir d’Abidjan, dont les hommes forts n’ont pas tardé à réagir. Quelques semaines plus tard, c’était au tour du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly d’y prendre ses quartiers à l’occasion de l’investiture de la maire de Boundiali, Mariatou Koné, le samedi 16 mars 2019. Ensuite Guillaume Soro remettait le couvert pour trois semaines en ce mois d’avril 2019. Cette fois, il s’est mué en « sauveur » ému de la situation d’extrême pauvreté des populations du nord de la Côte d’Ivoire. À cet effet, il n’avait pas manqué de charger le pouvoir sur un ton sarcastique.
« J’aurais le temps de faire mon bilan. Mais pour l’heure les populations semblent satisfaites de nos œuvres. Les donneurs de leçons sont attendus… », avait-il lancé. Ils n’ont pas tardé à répondre. Bruno Nabagné Koné s’est offert à la mi-avril, une semaine dans le nord de la Côte d’Ivoire, une tournée. Lui n’a pas hésité à prendre part à la bataille du nord de la Côte d’Ivoire en y apportant billets de banque et dons divers à la population. Le dernier en date est l’homme d’affaires émérite du pouvoir d’Abidjan, Adama Bictogo. Pourquoi cet intérêt soudain pour cette région chez nos hommes politiques ?
Nord de la Côte d’Ivoire, une découverte électorale ou devoir de conscience ?
Tout observateur averti de la politique ivoirienne devrait s’étonner de cet amour soudain des nordistes de Côte d’Ivoire pour leur propre région. Il ont tout pillé cette partie du pays et la connaît mieux que quiconque. De mémoire d’Ivoirien, l’on se souvient des arguments qui avaient conduit les cadres ivoiriens, ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire à créer et à soutenir la rébellion dirigée par Guillaume Soro. Ceux qui avaient pris les armes contre la république avaient postulé qu’ils étaient marginalisés et que le nord de la Côte d’Ivoire avait été abandonné par les différents gouvernements que le pays avait connus. Pourtant, huit années sont passées depuis que le pouvoir d’ Alassane Ouattara, tenu dans sa grande majorité par des ressortissants du nord, tient les rênes du pays avec le nord de la Côte d’Ivoire encore oublié et appauvri. Il a fallu que Guillaume Soro rentre en opposition pour que l’intérêt pour les populations du nord se ravive chez nos hommes politiques.
Depuis huit ans, Bruno Koné réalise aujourd’hui que les populations du nord de la Côte d’Ivoire ont des besoins : « Dons aux jeunes et aux femmes de Kouto. Nous sommes à votre écoute. Nous sommes là pour vous et toutes les fois que vous nous solliciterez, nous répondrons présents pour satisfaire au mieux vos attentes ». Guillaume Soro, ne déroge pas au ballet hypocrite des dons. Une pompe, une école de 3 classes et bien d’autres petits dons aux populations de la zone qu’il avait pris en otage, pillé et qui avait constitué le « chantage politique » qui l’a conduit aux plus hautes fonctions du pays. Adama Bictogo n’a pas manqué de créer l’occasion de faire ses « courses électoralistes » sur fond de discours populeux. On ne comprendra jamais assez cette aversion pour des dons surexposés en politique, au lieu de mettre en place des politiques de développement qui fonctionnent réellement sur le plan national.