Prévue pour le 21 mars dernier, la rencontre de Pascal Affi Nguessan et l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo n’a pu avoir lieu à Bruxelles, en Belgique. Cette rencontre qui aurait marqué le dégel des relations entre les deux hommes devrait aboutir au rapprochement des deux tendances du FPI, en vue des élections de 2020. Après la disparition de son fidel Aboudramane Sangaré, Laurent Gbagbo a décidé de reconstruire la cohésion de son parti, mise à mal depuis les élections et la crise poste électorale de 2010. Sans Simone, visiblement écartée de toutes les décisions importantes, Gbagbo prend le lead de l’organisation politique qu’il a fondée en 1982. Quels sont les enjeux d’une telle stratégie, sans Simone Gbagbo dont l’influence demeure certaine au FPI ?
Laurent Gbogbo, décidé à reprendre la main sur le FPI
La rencontre de Bruxelles, qui devait se tenir en présence d’Assoa Adou, nouvel homme de confiance de Laurent Gbagbo au FPI, entre lui et Pascal Affi Nguessan s’est soldée par un échec. Pascal Affi Nguessan n’a pas souscrit au préalable fixé par Laurent Gbagbo, alors qu’il avait donné son accord de principe selon le communiqué produit ce jour par Assoa Adou. « Monsieur Pascal Affi Nguessan avait alors fait savoir au président qu’il acceptait ce préalable et qu’il s’engageait à faire une déclaration en ce sens», précise le communiqué avant de constater que « de manière fort surprenante, monsieur Pscal Affi Nguessan a annoncé une rencontre avec le président Laurent Gbagbo, sans avoir pour autant fait ce qu’il avait à faire ».
Si l’objectif visible est la reconquête du pouvoir par le FPI en 2020, Laurent Gbagbo veut reprendre la main sur l’ensemble de l’organisation. Ce sont les raisons qui l’ont poussé à imposer des conditions drastiques à Pascal Affi Nguessan avant la rencontre, tel que le rapporte le confrère la Lettre du Continent dans sa publication du 21 mars 2019. « Pascal Affi Nguessan a dû s’engager à démissionner de sa fonction pour être reçu, le 21 mars, par l’ancien président ivoirien dans sa résidence à Bruxelles ». Il ne faut pas être expert en politique ivoirienne pour reconnaître que Laurent Gbagbo reste le seul maître incontestable à bord du navire FPI et que les années de prison n’y ont rien changé.
Même si Pascal Affi Nguessan a eu le courage d’affronter Sangaré qui avait la caution de Laurent Gbagbo en tant que président intérimaire, il n’oserait jamais faire cet affront à Gbagbo, surtout qu’il a perdu lui aussi, l’un de ses gros soutiens, Marcel Gossio , décédé il y’a peu. Pour preuve, tous semblent se plier à ses exigences pour rester dans le parti, et espérer redonner un souffle nouveau au FPI qui s’était affaibli, durement éprouvé par la perte de nombreux dignitaires, et la division qui s’était installée après avril 2011. Mais reste une énigme, Simone GBAGBO.
Laurent GBAGBO repousse-t-il Simone dans son donjon politique ?
Alors qu’elle est statutairement vice-présidente du parti, l’intérim lui a été plusieurs fois refusé par Laurent Gbagbo, après la disparition d’ Aboudramane Sangaré au profit d’ Assoa Adou, Secrétaire général du FPI. En cas d’absence de ce dernier, c’est à Odette Sauyet Likékoué que revient l’intérim du FPI. Pourquoi tous, sauf Simone Gbagbo ? Charismatique, l’ex-première dame jouit d’un leadership incontestable au sein du parti de Laurent Gbagbo, dans lequel elle figure au tableau des membres fondateurs. Un rapprochement de Laurent Gbagbo et de Pascal Affi Nguessan priverait Simone Gbagbo de socle de renforcement de son influence au sein du parti pour postuler à la présidence de celui-ci. Mais il faudrait réussir un rapprochement pour le faire. Si le contraire se produisait, Laurent Gbagbo aurait été contraint de négocier son emprise sur le parti avec la femme qu’il a depuis bien des années, éloignée des affaires familiales.
Pourtant, une femme telle que Simone Gbagbo à la tête d’un parti fort comme le FPI pourrait lui garantir une victoire en 2020. Mais pourquoi cloisonner une valeur aussi puissante ? L’on ne saurait y apporter de réponse concrète sans avoir les résultats du conclave Gbagbo-Affi, si Pascal Affi Nguessan renonce effectivement à tout et reconnait les résolutions des congrès de Mama et de Moossou, qui ne font pas de lui le président du Front Populaire ivoirien.
Toutefois, si la situation entre les deux futurs ex-époux ne semble plus au beau fixe depuis la crise d’avril 2011, Laurent Gbagbo veut éviter de se faire éclipser par son épouse qui, à elle toute seule, représente une partie de l’héritage politique du parti. Car avant d’être une épouse, Simone Gbagbo est une « camarade », militante engagée de premier plan au même titre que Laurent, Sangaré et les autres. Elle a su s’effacer pour laisser rayonner un homme dont l’aura a envouté le FPI. En réalité, la seule personne qui peut faire oublier Gbagbo au FPI, c’est Simone. Et Laurent entend la réduire à sa simple définition de militante, et non lui garantir une position de concurrente. Pour quel but ? L’avenir porte la réponse à la question de savoir, si l’engagement militant de ce couple mythique dans la politique ivoirienne est strictement lié à leur vie de couple.
Nelson Zimin