Henri Konan Bédié, l’ancien Président de la République de Côte d’Ivoire, n’est désormais plus enjaillé par la gouvernance du pays par Alassane Ouattara. Il lui trouve un comportement de « dictateur » et ne manque pas de l’égratigner à cet effet à chacune de ses prises de paroles, un peu comme son nouveau « fils » Guillaume Soro. Le manque de rétroviseur chez les Bédié ou au PDCI a interpellé Patrice Dama. Côte d’ivoire 1993 – 1999…
Henri Konan Bédié peut-il critiquer Alassane Ouattara ?
Elle a ça de bien la politique. On peut faire n’importe quoi lorsqu’on est aux affaires et devenir grand donneur de leçons une fois évincé de la tête du pays. C’est le cas de le dire pour le Président Henri Konan Bédié et son parti le PDCI RDA qui ont pourtant offert à la Côte d’Ivoire 40 années de dictature et de gouvernance sans partage du pays. De drôles de démocrates.
On est en 1993 lorsque la mauvaise nouvelle du décès du Président Félix Houphouët-Boigny tombe le 7 décembre. Il se met alors en place un ballet diplomatico-militaire qui permettra à Henri Konan Bédié d’accéder au pouvoir comme le prévoyait la constitution ivoirienne de l’époque, au détriment d’un Alassane Ouattara qui se sentait un goût de trop peu après l’intérim qu’il avait dû assumer sous un Houphouët-Boigny malade. L’homme qui devait organiser des élections et s’éclipser pour plus d’équité, quitte à revenir postuler au super job de Président à la fin du premier mandat de celui qui lui aurait succédé, organisera des élections dans des conditions que l’on sait.
Tous les ténors de l’opposition de l’époque, les mêmes qui occupent toujours les premières places de la scène politique ivoirienne, le Prof Laurent Gbagbo et le Dr Alassane Ouattara de l’époque boycotteront ce scrutin organisé par Henri Konan Bédié. La raison, ils n’avaient pas confiance, alors pas du tout, dans la façon dont allait se dérouler ce scrutin. Le ministère de l’Intérieur d’alors qui en avait la charge n’a pourtant pas été changé par Henri Konan Bédié pour apaiser le climat tendu de l’époque. Le désormais donneur de leçon s’était enfermé dans une logique de fermeté. Il n’a d’ailleurs presque rien concédé à ses adversaires, dont Alassane Ouattara, l’actuel Président, à qui il vouait à cette époque-là une haine que pouvaient comprendre peu d’entre nous.
Henriette Diabaté se souvient encore de la Maca sous Bédié
D’ailleurs, le Président Alassane Ouattara n’était pas passé très loin de gouter à la case prison de l’auteur du livre « Les Chemins de ma vie ». Ses proches, dont l’actuelle chancelière Henriette Diabaté, n’avaient pas la même chance. Ouattara est pourtant devenu par extraordinaire le « frère » du même Henri Konan Bédié.
Mon père disait un jour « Si le comportement d’un enfant devient positif après qu’il est changé de fréquentations, c’est que ces nouveaux amis ont une meilleure influence sur lui. »
De son premier jour à la tête de la Côte d’Ivoire jusqu’à avant hier, au milieu de son deuxième mandat, le Président Alassane Ouattara était en atome crochu avec Henri Konan Bédié. C’était l’époque où le couple fonctionnait à merveille. L’argent coulait aussi bien pour les proches de l’un que pour ceux de l’autre. Et forcement, Bédié aimait la gouvernance d’Alassane Ouattara qu’il considérait même comme un des meilleurs Présidents du pays.
Tenez-vous bien, un pont qu’il n’a même pas pensé à construire lorsqu’il était aux affaires portera même son nom. Bédié devient le sage de la République et Ouattara le plus démocrate des Présidents. Et en ce moment-là, le vilain petit canard de la nation, l’intrus, Laurent Gbagbo ne méritait que la prison. De toute façon, il ne « peut pas échapper à la justice internationale à cause de ses nombreux crimes de sang et détournements de deniers publics », disait Henri Konan Bédié.
Sauf que Ouattara, il est malin. Il sait que le chien ne change jamais sa manière de s’assoir et donc il ne minimise jamais le risque qu’il y a de redonner le pouvoir à Konan Bédié ou à un de ses intimes. Il sait qu’au PDCI, personne n’a digéré la perte brutale du pouvoir le 24 décembre 1999, un coup d’État qu’ils croient l’oeuvre de Ouattara.
Quel bon conseils Bédié donnait-il à Ouattara ?
Mais à cette époque où chacun de Ouattara et Bédié caressait l’autre dans le sens de son poil, l’opposition traditionnelle elle mordait la poussière. Plusieurs arrestations de dirigeants de l’ancien régime et des soldats qui lui étaient restés fidèles ne provoquaient chez Bédié aucune réaction. Jamais Henri Konan Bédié n’aura pesé de son poids auprès d’Alassane Ouattara pour lui faire admettre la nécessité de relaxer ces pauvres gens. C’est lorsque l’eau est entrée dans le gaz que le Président Ouattara a ouvert les portes de la prison pour les non-militaires. Il coupait ainsi l’herbe sous les pieds de Bédié qui comptait exploiter à donf cette situation pour se trouver des raisons de critiquer le régime auquel il appartenait encore il y a peu.
C’est ce qui permet d’interpréter le dicton de mon père par « si ton fils se comporte mieux après avoir changé de fréquentation, alors c’est que ses anciens amis n’étaient pas étrangers aux dérives auxquelles il s’adonnait. »
Bédié aura beau dire de Ouattara qu’il est « dictateur« , Simone Gbagbo, Assoa Adou, Lida Kouassi et les 800 relaxés ne le trouveront pas plus mauvais aujourd’hui qu’il n’était lorsqu’il s’entendait bien avec Bédié et Soro Guillaume.
D’ailleurs, pourquoi Bédié et Ouattara se quittent-ils ? Pour une affaire de passe du pouvoir mal négociée. Un attendait que l’autre lui remette le siège sauf que celui qui l’occupe a pensé que ce n’était peut-être pas une bonne idée de réveiller le vieux démon qui sommeille en Bédié. Quand on a déjà sauté des clôtures dans son moins jeune âge pour échapper à quelque chose de pas très joli, on n’a pas envie de prendre le risque de revivre l’expérience ou pire.
Depuis, Bédié boude. Le criminel qu’il avait trouvé en Laurent Gbagbo devient subitement fréquentable et il cherche même à faire alliance avec lui pour chasser Ouattara. Par le passé, notons que Bédié s’était allié à Ouattara pour chasser Gbagbo et n’oublions pas que Ouattara était avec Gbagbo quand Bédié a été chassé. C’est donc la chaise musicale. Le petit peuple ivoirien a beau se demander ce qui ne fonctionne pas chez ces gens, personne ne l’entend…
Les vieilles personnes, quittez !!!!
Donc depuis qu’il se goinfre de boudin, juste pour le jeu de mots, Bédié ne fait que trouver dans tout ce que fait Ouattara de la dictature. Il lui donne même des conseils en déclarant : « Tous les régimes autoritaires ont toujours mal terminé. Et ce régime tel qu’il s’est lancé sur la mauvaise voie perdra le pouvoir ».
C’est vrai qu’en matière d’autoritarisme, Henri Konan Bédié en connait un long rayon. Pour preuve, il me semble que son régime n’a pas vraiment bien terminé.
Les élèves qui peuplent aujourd’hui les rues de Côte d’Ivoire plutôt que d’être dans les classes, ils étaient aussi dehors du temps de Bédié. D’ailleurs Charles Blé Goudé qui dirigeait la FESCI à cette époque s’était réveillé sur un lit d’hôpital avec une chaîne au pied. Le type de ferraille qu’on utilise en Afrique pour maintenir les animaux incontrôlables sur place. Aucune sanction ne sera prise contre personne. Si ça, ce n’est pas la dictature, je me demande de quoi parle Bédié. Blé Goudé n’était qu’un syndicaliste, pas un terroriste, et encore…
Le Président Henri Konan Bédié avait lui-même emprisonné des adversaires politiques. Beaucoup au RDR qui lui ont donné du Monsieur le Président ces dernières années s’en souviennent peut-être encore. Il a même contraint Ouattara à un exil forcé en France, pays où il le rejoindra d’ailleurs par ironie de l’histoire. Il trouvait que l’ancien protégé de feu maitre Verges avait fraudé sur sa nationalité ivoirienne… Mais ça, c’est une autre histoire.
Henri Konan Bédié refusait aussi à son époque de modifier le mode d’organisation du scrutin présidentiel. Quand Ouattara fait de même, Ouattara est un dictateur. Pour ma part, je vois deux dictateurs. Il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Donc quand Ouattara s’en ira, Bédié devra penser à le suivre parce qu’au PDCI, il y a de jeunes cadres intelligents, diplômés et très intéressés par l’exercice de la fonction de Président de la République eux aussi.
Il fait chaud à Abidjan donc moi je vais vous laisser siroter ce petit « Apéritif Yamoukidi » de Debordo Leekunfa. « Les vieilles personnes, quittez !!!!»
Patrice Dama