Des partis politiques de l’opposition ivoirienne ont adressé jeudi, « une lettre ouverte » au ministre de la communication, porte-parole du gouvernement, Sidi Touré, dans laquelle ils lui demandent de « prendre connaissance des documents » internationaux, pour se « faire une opinion de l’immensité de la tâche à accomplir » concernant la réforme de la Commission électroale indépendante (CEI), en réponse à un commentaire fait lors du point de presse après le conseil des ministres mercredi.
Selon l’opposition, la cour africaine n’a pas demandé que la recomposition de la CEI
Pour Maurice Kakou Guikahué, « dire que la Cour africaine « n’avait demandé (…) que de procéder à (sa) recomposition » de la CEI est le « point de vue » du gouvernement.
Mercredi, après un conseil des ministres, Sidi Touré avait affirmé que le gouvernement travaillait « exclusivement à (…) la recomposition de la commission électorale indépendante, qui est d’ailleurs l’unique et principale observation de la Cour africaine des droits de l’homme en la matière. Donc nous ne faisons pas plus que cela », en réaction à l’opposition qui réclame une « réforme profonde ».
Lundi dans une déclaration , 24 partis d’opposition ont énuméré des propositions dont « le changement de la dénomination » de la CEI.
Pour le porte-parole de gouvernement, « il est loisible aux différents acteurs de faire les propositions qu’ils souhaitent », ajoutant que « le gouvernement reste ouvert » aux suggestions « pour continuer les négociations jusqu’à leur terme ».
Intégralité de la lettre ouverte de l’opposition signée de Kakou Guikahué à Sidi Touré
« Nous avons lu avec intérêt le commentaire que vous avez fait au sujet du dossier de la Commission Électorale Indépendante, (CEI), au sortir du Conseil des Ministres du mercredi 13 mars 2019, en réaction à la conférence de Presse donnée par les Partis Politiques de l’opposition Ivoirienne relativement à leurs propositions de réforme de la CEI, le lundi 11 mars 2019.
Nous nous félicitons d’apprendre que le Gouvernement est ouvert au dialogue et disposé à aller jusqu’au bout du processus.
Lors de cette prise de parole vous avez déclaré que la Cour Africaine des Droits de l’homme et des Peuples n’avait demandé au Gouvernement que de procéder à la recomposition de la CEI et pas plus; d’ou la décision du Gouvernement de ne discuter que de la recomposition de la CEI.
Ce point de vue peut être celui du Gouvernement mais surtout pas celui de la Cour Africaine des Droits de l’homme et des Peuples.
L’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’homme et des Peuples dont vous faites allusion est disponible et peut être aisément consulté par tous ceux qui le souhaitent ou qui le veulent.
En effet, après la requête de l’APDH, suite aux conflits post-électoraux du scrutin présidentiel de deuxième tour de novembre 2010, adressée à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, celle-ci a rendu un arrêt le 18 novembre 2016 dont nous vous donnons quelques extraits.
Dans cet arrêt, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples stipule que l’Etat de Côte d’Ivoire a :
– «violé son obligation de créer un organe électoral indépendant et impartial, prévu par l’article 17 de la Charte africaine sur la démocratie et l’article 3 du Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et qu’il a également, par voie de conséquence, violé son obligation de protéger le droit des citoyens de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, garanti par l’article 13(1) et (2) de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples ;
-violé son obligation de protéger le droit à une égale protection de la loi, garanti par l’article 10(3) de la charte africaine sur la démocratie, par l’article 3(2) de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples et l’article 26 du pacte international relatif aux Droits Civils et politiques.
Ensuite, la Cour Africaine a ordonné à l’Etat de Côte d’Ivoire de :
-« créer un organe électoral indépendant et impartial;
-modifier la loi no 2014-335 du 18 juin 2014 relative à la commission électorale Indépendante pour la rendre conforme aux instruments juridiques internationaux qui s’imposent à la Côte d’Ivoire,
-lui soumettre un rapport sur l’exécution de cet arrêt, dans un délai d’un(1) an, à compter du 18 novembre 2016 ».
Nous avons examiné la Charte Africaine sur la Démocratie, le Protocole de la CEDEAO sur la Démocratie, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples et le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques.
Au terme d’un examen minutieux des différents documents, on se rend compte que pour rendre la CEI conforme aux Instruments juridiques internationaux, il faut la réformer en profondeur; une simple recomposition n’étant pas suffisante.
Je vous invite vivement, Monsieur le Ministre, à prendre connaissance des différents documents ci- dessus cités pour vous faire une opinion de l’immensité de la tâche à accomplir.
Que des journalistes partisans veuillent faire des commentaires qui leur sont dictés, c’est leur droit le plus absolu, mais le Ministre de la République que vous êtes ne peut pas et ne doit pas tronquer le contenu d’un document officiel.
Veuillez croire, Monsieur le Ministre, à l’assurance de notre haute considération. »