Très affairée à découper des poissons frais derrière sa table au marché du quartier populaire de Djicoroni para à Bamako au Mali, Kadidjatou Diarra, dit Kadi, 22 ans, a le commerce dans le sang, mais pas que… . Etudiante en médecine, elle rêve également de servir son pays en qualité de médecin généraliste.
Kadidjatou Diarra, une femme à part pour Bamako
Vendeuse de poissons depuis son enfance avec sa mère et ses frères, Kadi est l’une des rares commerçantes maliennes qui échange avec ses clients à la fois en Bambara (langue locale) et en français. Voulant d’abord devenir astrologue, sa passion pour la médecine est née, après l’obtention de son baccalauréat en sciences expérimentales, en 2016.
Orientée dans la faculté de médecine à l’université publique de Bamako, Kadi a due se plier à la volonté de sa mère, Oumou Fofana qui souhaite pour la cadette de ses filles, « une formation rapide débouchant sur un emploi ».
« Face à l’exigence de ma mère, mon grand frère qui vend également des poissons avec nous a décidé de m’inscrire et payer mes études à l’Institut national de formation en science de santé (INFSS) », de Bamako, financé et administré par le Canada.
Aujourd’hui en 3e année de formation des sages-femmes dans cet institut canadien, la cadette d’une famille de huit filles, continue de prendre des cours, via des amis, à la faculté de médecine où elle y va occasionnellement.
Dévouée à poursuivre ses études, Kadi, issue d’une famille polygame où le commerce de poissons se transmet de génération en génération ne manque pas d’occasion pour réviser ses cours, « même au marché ».
« Tout est une question de planification », lance avec assurance la jeune fille d’environ 1,60 mètre, vêtue d’une robe verte et d’un tablier noir. Selon son planning, Kadi vend « les week-ends, les jours fériés, les congés ou même en période de grèves », très récurrentes dans le système éducatif malien.
Dans un pays laïc, à 75 % musulman, selon le conseil islamique, où une fille sur trois âgée de 15 à 19 ans est déjà mère, parce que donnée en mariage très tôt, du fait de la tradition et des pressions populaires, Kadi se considère comme une privilégiée à qui son père, Lassina Diarra, « laisse le libre choix de décider », sur des questions de mariage, d’études ou de sexualité.
Selon les données démographiques officielles, le taux de scolarisation au Mali est largement en dessous de 50 %, avec 30,7 % de filles ayant accès à l’école, contre 28,4 % de garçons.
« Dans notre famille, nous avons la chance que les filles ne sont pas données en mariage forcé », se réjouit la jeune étudiante en médecine, célibataire sans enfant, et la seule des huit filles de son père à pouvoir accéder et pratiquer aujourd’hui des études supérieures.
« Kadi est une fille très battante, dévouée qui n’attend pas de tendre la main pour pouvoir faire ceci ou cela », affirme très admirative Aicha Sidibé, son amie intime, ajoutant que « C’est une qualité que beaucoup de filles n’ont pas aujourd’hui au Mali ».
En plus de viser la médecine générale, Kadi, qui voudrait s’essayer également en odontostomatologie (dentiste), « invite les jeunes maliennes de mon âge à saisir les opportunités que la vie leur donne pour s’intéresser au travail et ne pas rester assujetties aux hommes », car dit-elle, « si tu ne fais rien dans ta vie, tu deviendras esclave des autres ».