Les deux rencontres entre Alassane Ouattara et Guillaume Soro étaient les derniers signes avant-coureurs de la démission du Président de l’Assemblée nationale. L’intéressé nous livre, à travers une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le contenu des échanges qu’il a eus avec le Président de la République.
Guillaume Soro se met à table après sa démission
Les 5 et 24 janvier derniers, Guillaume Soro avait été reçu en audience par le Président Alassane Ouattara. Ces deux rencontres avaient suscité curiosité et supputation sur les rives de la lagune Ebrié, tant elles s’étaient tenues à l’abri des regards indiscrets. Même si l’on pouvait deviner de quoi pourraient parler le Chef de l’Etat et le Chef du Parlement d’alors.
Soro Kigbafori Guillaume était en effet sous la menace d’une démission de son poste de Président de l’Assemblée nationale s’il refusait d’adhérer au RHDP unifié. Le Député Adama Bictogo, PCO du Congrès constitutif du RHDP, avait d’ailleurs appelé Soro à « libérer le tabouret » s’il ne venait pas au congrès du 26 janvier 2019.
La suite, on la connaît. Plutôt que de prendre place parmi les Houphouëtistes au stade Félix Houphouët-Boigny, Guillaume Soro a préféré s’envoler la veille pour les Etats-Unis où il s’est inscrit dans la prestigieuse université de Harvard pour un Doctorat en Finance. De retour au pays, il a convoqué une session extraordinaire de l’Assemblée nationale. Session au cours de laquelle il a annoncé sa démission pour, dit-il, préserver la paix et éviter une crise institutionnelle.
Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer lors des deux rencontres entre Ouattara et Soro pour qu’on en arrive là ?
Le Député RDR de Ferkessédougou a enfin décidé de livrer les secrets, d’autant plus qu’il avait déclaré, au soir de sa démission, qu’il n’est plus astreint au devoir de réserve. « Le 5 janvier, le Président m’a reçu à sa demande et a souhaité que je milite au RHDP…Il (Alassane Ouattara, ndlr) m’a dit alors que le congrès était très important et que si je ne me rendais pas au congrès, il serait contraint de me demander de rendre ma démission. Ce que j’ai acquiescé sans hésitation d’ailleurs », a-t-il avoué, avant d’ajouter :
« Le 24 janvier à nouveau, le président me convoque. Il demande à savoir si j’avais changé d’idée. Je lui ai dit non Monsieur le président, c’est tout réfléchi. Je ne suis pas Rhdp et que je ne comptais pas me rendre au congrès. Le président m’a dit bon dans ces conditions il faut que je rende ma démission. Je lui ai dit d’accord. Il ne restait que nous puissions nous mettre d’accord. »
Poursuivant sur sa lancée, Soro explique les démarches qui s’en sont suivies pour lui arracher sa démission : « Après le congrès, le 27 janvier, le président m’a appelé en colère pour dire que j’avais fait une démission orale et que par conséquent il m’enverrait des émissaires. Et ces émissaires sont arrivés chez moi, je dis bien le 28 janvier à 17H30, qu’ils m’ont envoyé une note et m’ont demandé de signer ma démission, d’autant plus que selon eux, j’avais fait une démission orale. Je leur ai dit « mais si j’ai fait une démission orale, je ne suis plus votre interlocuteur, on ne peut pas démissionner pour le même poste deux fois ».
Par la suite j’ai envoyé un courrier au président pour lui dire que je voulais qu’on préserve la dignité de l’institution parlementaire et que si je devais démissionner, je voulais que ça se fasse conformément à la Constitution, c’est-à-dire la convocation de l’actuelle session extraordinaire. On aurait pu attendre l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée le 1er avril pour que je rende ma démission, rien ne pressait. Après tout ce que je viens de vous dire, si ce n’est pas du harcèlement, on peut parler d’insistance. »
Nombreux sont donc les acteurs politiques qui ont dénoncé le harcèlement et surtout l’immixtion des tenants de l’Exécutif dans le Législatif. Ces révélations de Guillaume Soro viennent donc de leur donner raison.