Si l’émergence a été reporté à l’horizon 2025, c’est parce que la croissance a botté en touche. Bonjour !
Mon cher DÉGBA,
Te parler de taux de croissance me ramène à une première question fondamentale : Sur quelle base indiciaire le taux de croissance a-t-il été calculé ?
Le PIB par exemple. Ce saint graal de nos économies modernes reste encore pour nous tous, une réalité virtuelle et ambiguë.
Que trouve-t-on dans ce concept si vitale ?
Pourtant, le taux de croissance, c’est le résultat de la variation du Produit Intérieur Brut (PIB). Concrètement c’est la somme des richesses produites sur un territoire donné et dans un temps donné. Ainsi Nous allons visiter quelques pays développées sous le prisme de la croissance pour saisir la pertinence et l’incohérence des indices de développement de chez nous. En 2014 la France a totalisé 2133 milliards d’euros, soit une croissance de 0,2% par rapport à 2013. Mais dans le détail, que trouve-t-on dans cette adition si vitale ? Bien sûr, l’ensemble des valeurs ajoutées créées dans les différents secteurs économiques d’un pays : Multinationales, PME, Administration, ou particulier. Vendre une baguette de pain crée du PIB tout comme faire le plein de carburant de son véhicule. Dans le PIB tout est au même niveau.
Aux États-Unis lorsque Barack OBAMA attaque le permis de port d’armes juste après la tuerie de San-Bernadino, une partie des américains se ruent sur les stocks dans les magasins de vente d’armes, histoire d’anticiper la pénurie. Le lendemain de cette tuerie, l’action de l’armurier Smith & Wesson a bondi de 2,6%. Cela crée donc de la richesse, du PIB, donc de la croissance. A la vie à la mort.
À l’inverse en 2009 la crise frappe la France et le trafic des poids lourd chute de 10%. Cette même année la mortalité sur les routes baissent de 6,6%. 32% de cette baisse est lié à la circulation moins importante de ces poids lourds. Un trou de croissance peut sauver des vies. Mais creusons encore un peu !
Pourtant d’autre richesses ne sont pas prises en compte dans le calcul du PIB
Des pays comme l’Italie, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Espagne ont intégré dans le calcul de leur PIB l’économie souterraine ou informelle. À savoir les richesses issues de la drogue, de la prostitution et des recèles en tous genres. Ils suivent ainsi une nouvelle norme rédigée par Eurostat, l’agence européenne de statistiques. Selon la banque d’Italie l’économie illégale représenterait près 11% du PIB italien. De quoi tirer la croissance du pays vers le haut. Après, légal ou pas c‘est pour le bien de la nation, si la Maia prospère !
Pourtant d’autre richesses ne sont pas prises en compte dans le calcul du PIB ; le travail domestique (soin des enfants, cuisine ménage : au moins nous y consacrons 3h par jour gratuitement). On oublie qu’il faut 3 ans pour calculer un PIB définitif, et entre la première et la dernière estimation, c’est parfois le grand écart. Entre temps les premières estimations peuvent influencer les choix politiques aux élections. Or avec un mauvais diagnostique, on peut se tromper de prescriptions. Enfin, si on lit les programmes objectivement !
Le développement humain reste pourtant l’indicateur le plus déterminant
Il existe pourtant d’autres indicateurs comme l’Indice de Développement Humain (IDH) créé en 1990 par le programme des nations unies pour le développement. Il agrège trois indices : La santé, l’éducation et le revenu national brut par habitant (1520 USD en 2016). En Côte d’Ivoire par exemple, ou nous avons en 2016 un PIB de 36,373 Milliards, au regard du classement 2016 de l’IDH, occupe le 37e place sur 54 pays africains concernés et 171e place sur 188 pays au niveau mondial. Pourtant le gouvernement ivoirien proclame un taux de Croissance à 8% et un taux de chômage à 2,8% pour la même année, pendant que la banque africaine de développement (BAD) rendait publique un taux de 70% à 90% en rapport avec le cumul de chômeurs et les emplois précaires. Au niveau de l’indice de santé, la Côte d’ivoire consacrerait 5,7% du PIB aux dépenses relatives au secteur de la santé en 2014, alors que le quotient de mortalité 15-60 ans h/f (pour 1000, 2015) est de 414/377, sans oublier les infrastructures sanitaires désuètes et un personnel mal équipé. Le secteur de l’éducation n’a pas du tout fière allure. 44e sur 75 pays dans l’espace francophone, notre système éducatif frôle la faillite avec des classes surpeuplées de 70 à 130 élèves par classe du primaire au lycée, alors que la norme constitutionnelle est de 35 élèves par classe. Ajoutons à cela l’innovation dans le mal des autorités de l’éducation nationale en plus des infrastructures en ruine. Les élèves peuvent passer en classe supérieure avec moins de 9 de moyenne pour certains et l’exigence de moyenne étant supprimée pour d’autres. Confusions de synthèse, grand écart de boiteux ma foi !
En 2013, au regard du PIB l’Australie, la Norvège et la Suisse étaient classés respectivement 12e, 25e et 20e mondiaux. Mais avec l’IDH les perspectives changent, et les mêmes pays étaient 2e pour l’Australie, 1e pour la Norvège et 3e pour la Suisse. Mais comme le PIB, l’IDH n’est pas parfait ; il ne mesure pas les inégalités, la pauvreté et la sécurité par exemple.
Les inégalités, pas prises en compte chez nous
Ainsi l’indice GINI, lui mesure les inégalités de salaires. En 2012 le trio de tête était l’Ukraine, la Slovénie et la Norvège : les trois pays où les salaires étaient les plus égalitaires. La France arrivait en 28e position juste après l’Irlande et le Royaume-Uni.
Depuis 2009, le pays de Galles utilise un tableau de bord basé sur 29 indicateurs, croisant l’environnement, l’économie, l’utilisation des ressources, la société et le bien-être. En Angleterre depuis 2010 le MNWP agrège 30 indicateurs, dont certains sur l’utilisation du temps ou le bien être-personnel. Depuis 2013 en Belgique, la Wallonie utilise 5 indicateurs, là encore au croisement du social, de l’environnement et de l’économie.
Le bon diagnostic pour orienter les choix d’un pays viendra certainement de cette diversité. Car avec le PIB comme seul indicateur, on finirait par croire que la croissance est le seul remède. Alors les économistes de PONTBRIDGE leadés par le DUC de PONTBRIDGE, lui-même économiste vénéré, devraient se défaire des agrégats désuets pour mettre en place des indices au service du développement réel de notre pays. Il faudra par ailleurs, mettre fin à la politisation de l’information économique, bâtie sur des modèles déconnectés de nos réalités nationales.
Mon frère, je crois qu’il est temps de te laisser digérer tout ceci avec Jean Arthuis qui disait : « Dans ce monde complexe où l’information n’a jamais été aussi abondante, nous devons développer l’intelligence économique.»
À Bientôt
NELSON ZIMIN