Guillaume Soro, l’ancien chef rebelle et Premier ministre de Côte d’Ivoire devenu Président de l’Assemblée Nationale, est incité par le RACI, un groupuscule de ses partisans, à s’émanciper du RDR d’Alassane Ouattara. Ce week-end, les leaders de ce mouvement se sont retrouvés à l’Hotel Sofitel Ivoire pour renouveler leur demande à leur chef idéologique qu’ils aimeraient voir se positionner pour la présidentielle de 2020. Analyse…
Guillaume Soro osera-t-il défier le RDR ?
C’est un homme seul face à ses seules réalités. Guillaume Soro dont il est question est tiraillé de toute part par ses militants qui voudraient le voir succéder à Alassane Ouattara, le Président ivoirien qui promet de se retirer du pouvoir en 2020. Plusieurs proches du patron de la rébellion de 2002, surtout ceux qui ont profité de sa toute-puissance du temps de la crise en Côte d’Ivoire, nostalgiques de cette époque, aimeraient revoir leur ancien patron aux premiers rôles.
Ils demandent donc inlassablement à leur champion de se déclarer candidat à l’élection présidentielle de 2020. Guillaume Soro connait pourtant cette demande de ses militants qui date déjà de plusieurs années, mais n’y fait pas droit. Le pourquoi réside dans la situation aujourd’hui critique dans laquelle il se retrouve.
Le fait est que Guillaume Soro n’a plus les soutiens qui en faisaient un jeune homme très puissant de la politique ivoirienne. L’imaginable pour lui s’est produit avec la chute imprévue au Burkina Faso de son parrain Blaise Compaoré. D’ailleurs, les proches de Guillaume Soro qui le poussent à défier le pouvoir Ouattara seraient bien inspirés de s’interroger sur l’identité de toutes les personnes à la base de la chute de l’ancien chef du Faso…
Le fait est que cette éviction de Blaise Compaoré du pouvoir à Ouaga a coupé l’herbe sous les pieds de Soro Guillaume, d’où son implication dans la tentative de Coup d’État contre les autorités de la transition dans ce pays voisin de la Côte d’Ivoire.
L’ancien secrétaire général de la FESCI savait qu’une mise en place d’autorités favorables à sa personne dans ce pays lui permettrait de nouveau d’en faire la base arrière de ses manoeuvres, donc maintenir intacte son emprise sur le très fébrile régime Ouattara de l’époque. Il aurait possédé, si ses chevaux étaient entrés en ordre, un moyen de tenir à sa merci le régime d’Abidjan qui a plus que bien compris l’enjeu en ne misant pas sur les mêmes chevaux que lui. Sa conversation avec Djibril Bassolé lors de la crise au Burkina révèle nettement son état d’esprit qui pourrait expliquer son éloignement du pouvoir.
On entend Djibril Bassolé remercier son interlocuteur qui est pour les autorités burkinabées, M. Soro Guillaume, en disant « Merci beaucoup pour les précisions sur le rôle du grand maitre (sous-entendez ici Alassane Ouatara, ndlr). Je suis bien situé maintenant. Je savais, on m’avait dit qu’il avait son penchant, mais je ne pensais pas que c’était aussi… (affirmé, ndlr).» L’homme présenté comme le PAN répondra avec une question : « Est-ce que c’est un maitre sécurisé ? »
Cette affaire que le Président Ouattara a bien voulu ranger au placard, n’excluant pas de la ressortir en cas de besoin, lui a donné l’idée de changer d’agent de sécurité pour son régime. C’est depuis lors que l’idée de faire de Hamed Bakayoko l’incontournable M. Sécurité du régime, d’abord lorsqu’il était ministre de l’Intérieur et aujourd’hui à La Défense. Les moyens importants dont il bénéficie pour remplir sa mission lui ont permis de prendre le large sur Guillaume Soro qui a dégringolé dans la hiérarchie des hommes forts du régime jusqu’à n’être aujourd’hui considéré que comme un simple militant du RDR.
Guillaume Soro sait donc que le choix pour Abidjan de ne pas régler définitivement l’affaire de sa participation supposée au Coup d’État manqué au Burkina Faso est pour le régime Ouattara une façon de le tenir en laisse. Les conséquences de cette réalité que connait plus que bien le PAN sont négligées par ses supporters qui le poussent à tue-tête à défier le « grand maitre » Alassane Ouattara.
Soro Guillaume supportera-t-il le prix de l’émancipation ?
Et pourtant, les choses sont très claires, y compris pour certaines personnalités du RDR. Si Guillaume Soro rend sa démission de l’Assemblée Nationale, où il ne sera de toute façon pas maintenu après les prochaines législatives, et du RDR, il aura tout seul déterré la hache de guerre. Et comme les dirigeants du parti présidentiel le connaissent assez bien comme un homme capable d’être une grosse menace, ils n’hésiteront pas à l’enfoncer de sorte qu’il ne se relève plus jamais des difficultés qui lui seront imposées. Même son envoi au Burkina Faso n’est pas à écarter, bien qu’il pourrait aussi répondre des meurtres de Ibrahim Coulibaly, dit IB ou de Désiré Tagro en Côte d’Ivoire. Non, ces dossiers ne sont pas inclus dans l’amnistie du 6 aout dernier pour la simple raison qu’ils n’étaient pas ouverts.
Que dire de la CPI qui espère sa livraison par les autorités ivoiriennes pour restaurer son blason terni par les enquêtes diligentées contre les seuls pro-Gbagbo devenues depuis les symboles de sa souillure? Guillaume Soro sait qu’il ne peut faire un tel saut dans l’inconnu sans parachute. Même Emmanuel Macron dont il est proche ne pourrait le sauver des difficultés qui pourraient se dresser contre lui.
Les réseaux tentaculaires de Ouattara dans le monde obligeraient le président français à fermer les yeux sur ce qu’il adviendrait de son ami lointain. Déjà en difficulté dans son pays sur la question du pouvoir d’achat, Macron ne prendrait pas le risque de passer pour un intime d’un ancien chef de guerre. Ses détracteurs en France n’y trouveraient que du pain bénit.
L’autre souci est que même une émancipation de Soro Guillaume du RDR ne lui garantirait absolument rien dans l’atteinte de ses ambitions. Il ne pourrait tout au plus retrouver de nouveaux parrains au PDCI ou au FPI que s’il participe à leur victoire, et jamais l’inverse. Dans le cadre d’un tel deal, Soro Guillaume aura certes sa tranquillité, mais une tranquillité qui sera toujours conditionnée par son attitude puisque les dossiers qui le concernent peuvent être ressortis par les uns ou les autres à tout moment.
En l’état, Guillaume Soro n’a pas grande chose à gagner à écouter les membres du RACI qui croient avoir fait une démonstration de force en réunissant 1 844 personnes au Palais des Congrès Sofitel Hôtel Ivoire. La Côte d’Ivoire, c’est plus de 25 millions d’habitants et près de 8 millions de votants.