La Côte d’Ivoire ambitionne de se doter d’une armée professionnelle. C’est le sens de la loi de programmation militaire votée le 4 janvier 2016 par l’Assemblée nationale. Dans cette interview accordée au Centre d’Information et de Communication Gouvernementale (CICG), le ministre d’Etat, ministre de la Défense, Hamed Bakayoko parle du processus de réformes et des défis auxquels l’armée ivoirienne fait face.
Hamed Bakayoko veut une armée professionnelle
La Côte d’Ivoire s’est dotée d’une loi de programmation militaire pour la période 2016-2020. Quels en sont les objectifs clés ?
La loi est née de la vision du président de la République, Alassane Ouattara, de doter la Côte d’Ivoire d’un outil de défense capable de faire face aux menaces internes et externes. Sa mise en œuvre permettra aussi à notre armée d’être outillée pour participer aux Opérations de Maintien de la Paix des Nations Unies dans le monde. Cette vision s’articule autour de l’amélioration des conditions de vie et de travail des soldats, la détermination des missions et des budgets sur cinq ans, la réorganisation du commandement, la consolidation du cadre institutionnel, la professionnalisation et la maîtrise des effectifs.
Quels sont les défis majeurs auxquels l’armée ivoirienne fait face aujourd’hui ?
Les défis sont nombreux et seront relevés progressivement. Nous pouvons citer, entre autres, la pyramide des grades et des âges. Actuellement, les effectifs par catégorie des armées sont disproportionnés et incohérents par rapport aux missions principales qui leur sont confiées. La norme est de 5 % d’officiers, 25 % de sous-officiers et 70 % de militaires du rang. Mais, dans notre armée, ces ratios sont respectivement de 6 %, 53 % et 41 %. Par ailleurs, la moyenne d’âge par catégorie, à savoir 45 ans, est beaucoup trop élevée pour les militaires du rang et les sous-officiers. Ces réalités ont donné lieu au plan de départs volontaires, afin de réduire et rajeunir les effectifs. Un autre défi est celui de la formation pour mettre à niveau l’ensemble des soldats recrutés sans avoir reçu la formation de base. Il y a aussi les questions de l’amélioration des conditions de vie et de travail, de l’équipement des unités et de la cohésion pour bâtir une nouvelle armée républicaine.
Quel bilan à mi-parcours de la mise en œuvre de la loi ?
Le bilan à mi-parcours est positif à bien des égards. Tout d’abord parce que cette loi a engendré une nouvelle et unique chaîne de commandement. En outre, une ordonnance relative à l’exécution des sanctions disciplinaires, telles que les radiations, a été signée et mise à exécution. Ensuite, deux opérations de départs volontaires ont permis le retrait des effectifs de 3 157 soldats (991 en 2017 et 2 166 en 2018). Un Bureau d’accompagnement et de reconversion des militaires a été créé pour aider les partants à mieux s’insérer dans leur nouvelle vie professionnelle et sociale. Il faut également noter la participation effective de l’Armée ivoirienne aux Opérations de Maintien de Paix des Nations Unies. Une compagnie de 150 hommes est en ce moment déployée au Mali. Enfin, la Loi a favorisé la réforme de l’enseignement militaire et la création de nouvelles institutions de formation. De manière générale, l’amélioration des conditions de travail et de vie des militaires est perceptible, à travers la réalisation d’infrastructures et l’acquisition de matériels et équipements.
La réforme suffira-t-elle à réhabiliter l’image de l’Armée aux yeux des populations ?
Il s’agit d’un processus. Les actions sont menées aujourd’hui, mais l’impact ne sera visible que dans quelques années. Il faut un changement de comportement et de mentalités qui prendra forcément du temps. La réforme en cours permettra à l’Armée de renouer avec ses principes. Et cela lui fera bénéficier de crédibilité vis-à-vis de la population, à travers des actions telles que la protection et le secours. Lors des inondations de juin 2018, toute l’armée s’est mobilisée pour sécuriser les quartiers sinistrés et porter assistance aux familles. Elle a aidé à nettoyer les domiciles et les rues. Cela est déjà un très bon signal.