Déclaration du FPI relative à la conférence de presse du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly du lundi 17 septembre 2018.
Gon Coulibaly vole « au secours » du Président Alassane Ouattara
Le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly, a animé sa deuxième conférence de presse le lundi 17 septembre 2018, après celle du 14 février dernier.
Deux points ont particulièrement retenu notre attention : la question relative au refus, par le chef de l’Etat, de réformer la Commission Electorale Indépendante (CEI), malgré les engagements pris dans son message à la Nation le 06 août 2018 et celle touchant au maintien en détention d’une soixantaine de militaires, en dépit de l’entrée en application de l’ordonnance d’amnistie signée le 06 août 2018 par le chef de l’exécutif ivoirien.
Sur le refus de la réforme de la CEI, le premier ministre, dans une démarche qui consiste à voler au secours de son patron, a déclaré ceci : « Je voudrais, ici clarifier et rappeler à tous, l’engagement pris par le président de la République dans son message du 06 août 2018 qui est de réformer la composition de la CEI pour les élections présidentielles de 2020. Ainsi, après le prochain scrutin municipal et régional qui se tiendra le 13 octobre 2018, comme décidé lors du conseil des ministres du 18 juillet 2018, donc bien avant le message à la nation du chef de l’Etat, le gouvernement engagera les consultations avec la classe politique sur cette question »
C’est le lieu de rappeler qu’en tant que témoins privilégiés et acteurs de l’actualité et de vie politique dans notre pays, nous avons encore en mémoire les engagements effectivement pris par le chef de l’Etat lors de ce fameux message à la Nation du 06 août 2018, relativement à la réforme de la commission en charge des élections. Voici ce qu’a officiellement déclaré M. Alassane Ouattara : « (…) Cependant, comme le recommande notamment la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, j’ai instruit le Gouvernement à l’effet de réexaminer la composition de la Commission Electorale Indépendante. Je souhaite, en effet, que les prochaines élections soient inclusives et sans violence.
A cet égard, je voudrais en appeler à la responsabilité de la classe politique afin que le débat politique soit apaisé (…) »
On peut noter que nulle part dans ces propos du chef de l’Etat, il n’est fait mention de l’élection présidentielle de 2020, pour laquelle, exclusivement, il aurait pris l’engagement de réformer la CEI. Le chef de l’Etat dit bien avoir « instruit le gouvernement » conformément aux recommandations de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples « à l’effet de réexaminer la composition de la CEI » parce que, a-t-il ajouté, « Je souhaite, en effet, que les prochaines élections soient inclusives et sans violence ».
Or, à compter du 06 août 2018, date du message à la Nation du chef de l’Etat, les scrutins municipaux et régionaux programmés pour le 13 octobre 2018 font bien partie des « prochaines élections » que le chef de l’Etat souhaite « inclusives et sans violence ». Le groupe de mots « prochaines élections » signifie bien, en langue française, les élections qui viennent immédiatement après que le chef de l’Etat ait fait son adresse à la nation. Le premier ministre, en soutenant donc ce que le chef de l’Etat n’a pas dit, donne le sentiment d’être du clan de ceux qui s’opposeraient à des élections « inclusives et sans violence » et qui auraient pris le dessus dans un débat sur la question avec un autre clan auquel appartiendrait M. Ouattara.
De sorte que l’engagement officiel du chef de l’Etat qui laissait entrevoir l’espoir d’une ouverture du jeu politique avec une CEI réformée de façon consensuelle avant « les prochaines élections », a été déçu le 05 septembre 2018, quand M. Alassane Ouattara, certainement sous la pression des faucons, a renié publiquement sa parole en affirmant, à la surprise générale, que ladite réforme de la CEI ne concerne que la présidentielle de 2020.
En tout état de cause, le FPI observe que, depuis le 17 novembre 2017, date d’expiration du délai de 12 mois donné à l’Etat de Côte d’Ivoire pour se conformer à l’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la CEI que dirige M. Youssouf Bakayoko est frappée d’illégalité et d’illégitimité ; et M. Alassane Ouattara l’a lui-même reconnu dans son adresse à la nation quand il a fait explicitement référence à la décision de la juridiction africaine. La CEI, dans sa forme actuelle, n’a donc plus qualité à organiser quelque élection que ce soit en Côte d’Ivoire.
Le reniement de la parole donnée par le chef de l’Etat et les vaines tentatives de M. Amadou Gon Coulibaly de travestir les propos du 06 août 2018 de M. Ouattara, ne sauraient détourner l’opinion nationale et internationale de la volonté manifeste de l’exécutif ivoirien de violer les décisions d’une juridiction internationale à laquelle la Côte d’Ivoire est partie.
Le Front Populaire Ivoirien réitère son appel au chef de l’Etat et à son gouvernement afin qu’ils se ressaisissent en se soumettant à la décision de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, conformément aux engagements internationaux de la Côte d’Ivoire.
La réforme de la CEI, dans un cadre consensuel, avant les prochaines élections, est un impératif dont l’observance permettra, entre autre, de crédibiliser toutes les opérations électorales en Côte d’Ivoire, de favoriser l’ouverture du jeu politique et de créer les conditions de scrutins transparents et démocratiques, gage de paix et de stabilité. Les ivoiriens ont effectivement besoin de paix, cette denrée vitale pour notre pays qui fait défaut depuis la rébellion de 2002 à ce jour, en passant par la guerre absurde qui leur a été imposée en 2010.
C’est pourquoi le FPI réaffirme son engagement à ne rien lâcher sur la question et à se donner les moyens démocratiques pour engager le combat jusqu’à l’obtention d’un cadre de discussions inclusives qui favorisera toutes les réformes de l’environnement institutionnel et juridique des élections en Côte d’Ivoire. Comme l’a toujours soutenu et proclamé le président Laurent Gbagbo : « pour la paix en Côte d’Ivoire, asseyons-nous et discutons ».
Le second point qui a retenu l’attention du FPI dans les propos tenus par le chef du gouvernement au cours de sa conférence de presse du lundi 17 septembre 2018 est relatif au champ d’application de l’ordonnance d’amnistie prise par le chef de l’Etat
En effet, répondant à une préoccupation d’un journaliste qui voulait comprendre le maintien en détention des militaires qui n’ont pas été visés par le champ d’application de l’ordonnance d’amnistie du 06 août 2018, voici ce qu’a répondu M. Amadou Gon Coulibaly : « (…) En prenant en compte la nécessité de préserver la sécurité des ivoiriens, nous avons pris, le chef de l’Etat et tout l’exécutif, la décision que pour les militaires et les groupes armés, pour un certain nombre en tout cas, le temps n’était pas opportun de les libérer maintenant (…) »
Que faut-il comprendre par une telle déclaration aussi tendancieuse, pernicieuse que dangereuse de la part d’un chef de gouvernement ? M. Amadou Gon Coulibaly, sans sourciller, indique clairement que des militaires de la République de Côte d’Ivoire, de surcroit des officiers, sont devenus subitement de vulgaires bandits dont la libération menacerait la sécurité des ivoiriens. Ces militaires que M. Gon traite ainsi avec mépris et irrespect sont-ils plus dangereux que les rebelles qui ont pris les armes contre la Côte d’Ivoire ? Sont-ils plus nocifs au peuple de Côte d’Ivoire que les hordes de criminels, appelés microbes ou pudiquement « enfants en difficulté avec la loi » tolérés et qui seraient entretenus par certaines personnalités ?
Au demeurant, une amnistie qui a pour vocation d’effacer des faits et non de discriminer les bénéficiaires ne peut exclure de son champ d’application des militaires. Ces officiers qu’on vilipende ainsi, ne sont pas des voyous, des bandits comme ceux qui pullulent actuellement dans le pays, mais des hommes d’honneur, formés, pour la plupart, dans les meilleures écoles militaires françaises où ils ont appris à défendre la République.
En tout état de cause, le Front Populaire Ivoirien considère que le maintien en détention de la soixantaine de militaires relève de l’arbitraire et d’une injustice que le pouvoir a la responsabilité de réparer. Nous réclamons leur libération.
Le FPI qui est un parti de paix, dans ces moments de tourmentes, estime qu’il est souhaitable, pour la Côte d’Ivoire, que les autorités œuvrent résolument au retour et à la restauration de la paix et de la démocratie dans notre pays.
Fait Abidjan, le 20 septembre 2018
Pour le FPI
Le Secrétaire Général
Dr Assoa Adou