Le ministre Lida Kouassi, sorti de prison à la faveur de l’ordonnance d’Amnistie du Pdt Alassane Ouattara, a tenu des propos qui créent la controverse dans le débat politique ivoirien. À bien y regarder, l’ancien ministre de Laurent Gbagbo a rendu un premier grand service au RDR, la cible de son propos ?
Lida Kouassi, son premier retour d’ascenseur au RDR
Un homme politique en prison est un homme qui ne risque pas de faire d’erreur sur le terrain politique. C’est en cela que la sortie des prisonniers politiques ivoiriens est une bonne chose pour le parti au pouvoir le RDR qui a longtemps été critiqué pendant que ses opposants, muselés, se faisaient tresser les lauriers au quotidien. Avec cette liberté de mouvement de tous les politiciens ivoiriens, la parole est libérée et certains commencent à en profiter, allant jusqu’à se bruler, se consumer par ce qu’ils sortent de leur propre bouche.
Moïse Lida Kouassi a été le premier cadre du FPI sorti de prison à faire parler de lui. Cet homme a affirmé que s’il était ministre de l’Intérieur, il aurait poussé pour que les différents partis politiques présentent pour des postes législatifs des candidats issus des régions qu’ils veulent conquérir. Ce propos de l’ancien ministre d’État a choqué certains qui y voient une expression xénophobe.
Affaire Lida Kouassi : « Le Patriote », mauvais conseiller
Alors tout de suite, le journal Le Patriote, pro-Ouattara à mort, qui se substitue parfois au procureur d’Abidjan, n’a pas manqué de prononcer la peine de prison dont pourrait selon-lui écoper M Lida Kouassi pour cette déclaration. « 20 ans de prison», barre le quotidien à sa Une. Un gros n’importe quoi du type de conseils qui font passer le Président Alassane Ouattara pour le patron d’un régime totalitaire. Les Le Pen ont dit bien pire que ça en France et pourtant ils ne sont pas en prison.
Il y a une réaction bien plus intelligente venue d’une personne qu’on ne peut soupçonner d’être en lien avec le RDR. Pour Théophile Kouamouo dont il est ici question, cette affirmation de M. Lida Kouassi est dans le font un meilleur service rendu au parti de Ouattara, que tentent de défendre comme un pied nos camarades du journal Le Patriote.
Oui, on ne met pas les gens en prison pour un oui ou pour un non. Même si les mots de Lida Kouassi font grincer les oreilles, ils restent dans le cadre du débat politique qui lui se nourrit de contradictions. Et avec le nombre de cadres du RHDP à la langue bien pendue, verbe bien soutenu, on ne doute pas qu’une réponse appropriée sera apportée à M. Lida Kouassi.
Théophile Kouamouo choqué par ses protégés
Théophile Kouamouo, un des journalistes africains les plus réputés pour son soutien aux pros Gbagbo, n’a pas goûté le propos de l’ancien homme fort du régime de la Refondation.
Le journaliste qui est aujourd’hui rédacteur en chef du pôle « actu » du média français « Média TV », a publié sur sa page Facebook : « En Côte d’Ivoire, la politique a recommencé avec la remise dans le jeu politique du FPI par un Alassane Ouattara pour le moins affaibli. La politique a recommencé et tout le monde va y perdre, y compris les réprouvés qui reviennent à la lumière du jour. »
Évoquant ce propos assumé par Lida Kouassi, le confrère ajoute : « Le statut de victime nous anoblit, et le statut d’acteur nous remet dans une arène impitoyable. Le FPI est d’ores et déjà à la croisée des chemins. Ce parti qui se veut jusqu’ici porteur des valeurs de patriotisme et de panafricanisme, va-t-il tolérer les propos violemment autochtonistes voire séparatistes de Moïse Lida Kouassi qui explique que s’il est ministre de l’Intérieur il fera en sorte que seuls les membres des ethnies autochtones auront le droit de se présenter aux législatives dans une région donnée ? »
Après cette interrogation, Théophile Kouamouo note la gravité de ces propos qui « déconstruisent le pacte républicain.» Toujours selon lui, « La République n’est plus dans ce cas un ensemble de citoyens égaux en droits et en devoirs, mais un conglomérat d’ethnies dont les droits sont géographiquement délimités dans tout le pays en dehors d’Abidjan – proclamé on ne sait pourquoi seul espace cosmopolite où tout le monde peut être élu. »
Moïse Lida Kouassi, l’incohérence de sa piètre idée
Il faut noter que M. Moïse Lida Kouassi trouve normal que toutes les ethnies de Côte d’Ivoire se présentent à des postes législatifs dans la région d’Abidjan, parce que ville cosmopolite, mais pas dans les autres villes du pays. Il faut juste faire remarquer que le ministre Lida Kouassi a été député de Marcory, certes un quartier de la capitale économique de la Côte d’Ivoire aujourd’hui, mais avant tout une terre d’une ethnie qui n’est surement pas le Dida de son Lakota d’origine.
Et donc dans sa logique, l’ancien prisonnier voudrait pouvoir faire chez les autres ivoiriens ce qu’il veut mais les autres eux n’auraient pas la même liberté chez lui ? Cette sortie est une erreur qui montre que le président Alassane Ouattara a perdu bien trop d’occasions de laisser son opposition s’autodécrédibiliser en ne libérant pas plutôt ces africanistes de circonstance que sont ses leaders.
Au RDR, devenu depuis peu le RHDP, beaucoup se frottent les mains en espérant la multiplication de propos de ce type par les frontistes qui n’ont surement pas compris qu’ils devront tourner à plusieurs fois leur langue dans la bouche avant de prononcer le moindre discours.
En réalité, cette sortie de Lida Kouassi n’est qu’une autre occasion perdue par le FPI au moment de rassurer les Ivoiriens sur sa volonté profonde de paix et de réconciliation.
Même si tout laisse penser que des pressions extérieures ont amené le chef de l’État Alassane Ouattara à ouvrir les portes des prisons où étaient incarcérés ses différents opposants, ces derniers auraient dû être bien inspirés de lui dire « merci » d’avoir pris cette ordonnance d’Amnistie.
Un « merci », ça n’arrache la bouche à personne
Un tel propos aurait montré qu’au FPI, on a le triomphe modeste, la préoccupation permanente de détendre l’atmosphère politique et surtout un sens avancé de l’humilité. Ce parti refuse de revenir à la table des négociations avec le gouvernement tant que les militaires enfermés dans le cadre de la crise poste-électorale n’auront pas recouvré leur liberté. Le fameux « asseyons nous et discutons » de son leader idéologique Laurent Gbagbo n’est en fin de compte qu’une vaine expression pour les tenants « du temple ».
Le FPI promeut habituellement une idéologie indépendantiste vis-à-vis de l’occident, surtout la France. Ses cadres et militants, pour question de cohérence, n’auraient donc jamais dû se réjouir comme ils le font en ce moment de la libération de leurs camarades qu’ils sont premiers à reconnaitre qu’elle a été acquise grâce à des pressions internationales.
Bonjour FPI, bienvenu dans l’arène impitoyable de la politique de Côte d’Ivoire.
Moi Patrice Dama, ce que je dis m’engage et point !