Assis seul au volant de son véhicule, un 4×4 noir d’occasion stationné sur un trottoir, Jean Yves Dibopieu, ancien secrétaire général de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (FESCI) et ex-membre de l’Alliance des Jeunes Patriotes sous la présidence de Laurent Gbagbo, est redevenu un Ivoirien lambda.
Membre influent de la politique ivoirienne entre 2000 et 2011, l’auteur de l’énigmatique phrase « à chacun son français » (prononcée en 2004, lors du siège de l’Hôtel Ivoire par des soldats français) a quitté sa résidence universitaire pour une maison dans une banlieue abidjanaise où il est reclus depuis presque trois ans.
« Ma voiture n’est pas climatisée », fait immédiatement remarquer M. Dibopieu. « Il fait chaud, mais, je suis obligé de m’asseoir dedans comme ça », ajoute-t-il, sous un air un peu résigné, lui dont le véhicule (grosse cylindré climatisée) avait très souvent fait partie du cortège présidentiel.
Vêtu d’un jogging et un tee-shirt gris assorti d’une paire de tennis blanche. L’ancien jeune patriote arrêté en février 2013, lors de son exil ghanéen, puis incarcéré pendant plus d’un an à la Direction de la surveillance du territoire (DST) d’Abidjan, a l’air en bonne santé, bien que son teint noir a quelque peu terni.
« Aujourd’hui, je peux dire que j’ai retrouvé ma forme, ce qui n’était pas le cas après ma sortie de prison (en 2014) », assure le vieux compagnon de lutte de Charles Blé Goudé (jugé à la Cour pénale internationale), Richard Dacoury et Konaté Navigué.
Après son incarcération au cours de laquelle il dit avoir « beaucoup souffert »,Jean Yves Dibopieu qui a gardé sa fougue et sa gestuelle dans ses prises de parole a confié avoir « fait son expérience avec Dieu en prison », .
« Dans la vie, il y a une période où chacun d’entre nous fait une rencontre avec le Seigneur. Moi, c’est en prison que j’ai fait mon expérience avec Dieu », révèle-t-il avant d’ironiser sur le fait qu’il a « accepté de (nous) recevoir pour que (nous) constations qu’il est en vie ».
Originaire de l’Ouest de la Côte d’Ivoire, Jean Yves Dibopieu (environ 1,65 mètre) qui vivait « dans les bonnes grâces de la présidence de la République », selon la presse ivoirienne et aujourd’hui sans emploi, tient désormais à achever ses études.
« Je dois me réinscrire sur la fac pour achever mon Diplôme d’étude approfondie (DEA) et ma thèse en philosophie que j’avais entamée à l’université catholique avant la crise post-électorale« .
« Ici, c’est mon restaurant. Ça fait longtemps qu’il a fermé, mais je prie Dieu d’avoir un peu d’argent pour achever les travaux (de rénovation) et relancer mon business », souhaite-t-il avant de confier que « le silence (qu’il) s’est imposé depuis sa sortie de prison, répond à un schéma bien mûri ».
Légèrement grisonnant au début des années 2000, la barbe de cet ancien jeune patriote quadragénaire est devenue entièrement grise et le fait qu’il ne se coupe plus les cheveux rend les choses encore plus visibles.
« J’ai laissé tomber la casquette pour mes cheveux. Désormais, ma casquette, ce sont mes cheveux », dit-il avec humour.
Pour se détendre et passer le temps dans son véhicule, l’ancien secrétaire général de la FESCI a une clé USB sur laquelle est enregistrée une playlist d’artistes locaux et internationaux.
Un tube reggae s’enchaine avec une chanson de Sidonie la Tigresse (artiste Baoulé, originaire du Centre du pays). « Elle chante bien celle-là », s’exclame Dibopieu. « Je ne comprends pas ce qu’elle dit, mais j’aime bien sa voix », lance-t-il en se trémoussant légèrement au rythme de la chanson.