En rupture de ban avec sa hiérarchie, le Magistrat Grah Ange Olivier a également maille à partir avec l’Etat de Côte d’Ivoire. Le juge ivoirien a donc décidé de porter plainte devant le Conseil constitutionnel contre l’Etat.
Un juge ivoirien se rebelle contre le système
La justice ivoirienne est sous le feu des critiques depuis l’arrivée du président Alassane Ouattara au pouvoir. Qualifiée de justice des vainqueurs par une certaine opinion, la justice de Côte d’Ivoire a eu pour habitude, ces dernières années, de juger des personnalités proches de l’ancien président Laurent Gbagbo, dont l’ancienne première dame Simone Gbagbo. D’autres pro-Gbagbo croupissent encore dans des geôles sans être, jusque-là, passées par devant le juge.
C’est dans cette atmosphère de suspicion généralisée qu’un juge ivoirien est aux prises avec ses supérieurs. Président par intérim du Syndicat des magistrats de Côte d’Ivoire (SYMACI), Grah Ange Olivier connait en effet quelques dissensions avec ses patrons à cause de son activisme syndical. « A la vérité, c’est un groupe qui n’accepte pas la liberté syndicale, qui refuse que les magistrats puissent s’exprimer. C’est l’Inspecteur qui a initié l’action, c’est lui le magistrat instructeur, c’est lui qui va faire des propositions de sanctions et c’est lui qui va juger. Il est à toutes les étapes de la procédure », a-t-il révélé.
Cependant, le magistrat syndicaliste ne semble nullement ébranlé par cette procédure : « Aujourd’hui, il n’est pas possible de poursuivre un magistrat du Parquet, parce que, le pouvoir disciplinaire du ministre a été abrogé depuis 2000 par la Constitution. L’Inspecteur se fonde sur certaines dispositions du décret qui organise son service. La question de discipline est une question de statut. »
L’homme de loi indique par ailleurs qu’il a non seulement été rétrogradé, d’avocat général à substitut général, mais bien plus, il a été suspendu de ses fonctions, le jeudi dernier. Suspension qu’il juge totalement illégale. Par conséquent, il a décidé d’intenter une action contre l’Etat de Côte d’Ivoire et l’Inspecteur général des services judiciaires.
« C’est dommage qu’on en arrive là. J’ai décidé de poursuivre l’Etat de Côte et l’Inspecteur général des services judiciaires devant les juridictions pour voie de fait, et je profiterai de cette action par voie d’exception pour saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il constate dans un document enfin que ces textes sont abrogés », a-t-il déclaré. Puis, il ajoute, sûr de remporter son procès : « Je vais déposer la plainte dans la semaine et je ne demanderai que le franc symbolique. C’est une affaire de protection d’une corporation. Je n’ai pas peur et j’ai la conviction que l’Inspecteur général des services judiciaires ne réussira pas. »
Notons que Grah Ange Olivier refuse jusque-là de répondre à la convocation de la Commission de discipline de sa corporation. Il est cependant prêt à porter son affaire devant la cour africaine et la cour africaine des droits de l’Homme de la CEDEAO si cela est nécessaire pour faire respecter ses droits.