Cette fois, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) n’a pas tergiversé longtemps. Le président Alassane Ouattara devra envisager le départ du pouvoir en 2020 malgré les craintes qui l’habitent sur l’après… Le PDCI qui lui a fait gagner toutes les élections jusqu’ici ne semble plus vouloir lui céder un millimètre de terrain pour la présidentielle de 2020. Cette position a été confirmée hier dimanche lors de son Bureau politique (BP). Analyse…
Alassane Ouattara coincé par le PDCI
En 2020, le président Alassane Ouattara sera à la fin de son deuxième et dernier mandat à la tête de la Côte d’Ivoire. Même s’il croit que la nouvelle constitution qu’il a fait adopter lui donne le droit de concourir une nouvelle fois à la tête du pays, les chances de sa réélection sont quasi-inexistantes.
Le PDCI, son puissant allié l’avait rapidement contredit par une sortie du Prof Guikahué Maurice KAKOU, secrétaire exécutif de ce plus vieux partir politique ivoirien. Contrairement aux dires du président Ouattara, dans les colonnes de Jeune Afrique : « La nouvelle Constitution m’autorise à faire deux mandats à partir de 2020. Je ne prendrai ma décision définitive qu’à ce moment-là, en fonction de la situation de la Côte d’Ivoire. La stabilité et la paix passent avant tout, y compris avant mes principes.», le PDCI affirme que Ouattara va quitter le pouvoir à la fin de son actuel mandat qui prend fin en 2020.
C’est Maurice KAKOU Guikahué qui avait incliné le chef de l’État à faire une meilleure lecture de la constitution ivoirienne, qu’il interprète de façon « narcissique » – d’après Franklin Nyamsi, en disant : « L’ancienne constitution dit quoi ? Le président est élu pour cinq ans, il est rééligible une seule fois. Cela veut dire que quand tu es président tu as deux mandats. Et comme deux mandats anciens, ce n’est pas contraire à deux mandats actuellement, c’est deux mandats ! Si on avait dit dans la nouvelle constitution qu’on peut faire trois mandats, voilà, il aurait pu être candidat. Quand il y a une loi qui n’est pas changée par la Constitution, c’est ce qui était avant qui s’applique. C’est ce qu’on a écrit dans la constitution. Donc, restez tranquille, Ouattara ne sera pas candidat pour un troisième mandat ».
Des personnalités du PDCI proche d’Alassane Ouattara se sont ensuite lancées dans une campagne de brouillage du message pourtant clair de leur parti livré par Guikahué. Ce parti veut que l’alternance soit effective en 2020 et rien d’autre. Le Bureau politique (BP) du PDCI fondé par Félix Houphouët-Boigny a donc clarifié les choses.
Prenant la parole à ce BP, Henri Konan Bédié a déclaré : qu’en « vue de la présidentielle de 2020, l’alternance doit se faire avant le parti unifié. »
Mais quelle est cette histoire de parti unifié ?
Le RDR du président Alassane Ouattara souhaite ne faire qu’un parti politique avec l’immense PDCI et les micros-partis politiques de l’alliance RHDP. Ensuite, au sein de ce grand parti que formerait l’ensemble de toutes ces formations politiques, une désignation du prochain candidat à la présidentielle de 2020 serait faite.
« Que nenni !», répond le PDCI qui explique que son alliance avec le RDR face à Gbagbo en 2010 était basée sur un accord d’alternance du pouvoir entre le RDR et lui. Clairement, cela signifie que le PDCI apporte son soutien au RDR qui après deux mandats lui retourne la pareille pour porter un de ses militants à la tête du pays.
Le problème, c’est que des personnalités au RDR n’ont aucune confiance dans les cadres du PDCI et le disent même clairement pour certains. Elles redoutent qu’une fois au pouvoir, le champion PDCI qui aura été porté à la tête des Ivoiriens demande des comptes sur la gestion de la chose publique du RDR.
Pourquoi le camp Ouattara redoute la perte du pouvoir
Que ce soit de l’argent versé aux mutins de Bouaké aux marchés de l’État passés de gré à gré, des dossiers de soupçon de surfacturation sur des marchés publics et surtout sur la question du patrimoine de Félix Houphouët-Boigny qu’aurait détourné l’épouse du chef de l’État, ancienne gestionnaire des biens immobiliers de ce dernier, plusieurs affaires non élucidées vont gâter l’amitié de circonstance entre les cadres des deux formations.
Dominique Ouattara est accusée par Bernard Oudin, ancien conseiller de Laurent Gbagbo, d’avoir détourné des fonds appartenant à la famille d’Houphouët.
Ce dernier dit avoir retrouvé la trace de virements effectués depuis un compte UBS du défunt président Houphouët vers celui de l’actuelle épouse d’ Alassane Ouattara. « Il y a à peu près l’équivalent de 24 millions de Francs français qui sont transférés des comptes Houphouët-Boigny vers celui de Mme Dominique Folloroux à l’époque. D’ailleurs sur des comptes qui sont à Sanary, soit en France, ou à Monaco, ou à Genève à la société de banques suisses », confiait-il dans une enquête de France Inter, de décembre 2015.
Mme Dominique Ouattara aurait détourné les biens d’Houphouët-Boigny
Cette grosse affaire ferait craindre la perte du pouvoir au camp Ouattara qui sait pertinemment que le PDCI n’en restera pas là sur la question des biens de son leader historique.
Un cadre du PDCI nous a d’ailleurs confirmé ces craintes en affirmant sous anonymat qu’il « faut nécessairement retrouver les fonds du Vieux. Je n’accuse personne, mais au moment venu, on doit tirer cette affaire au clair parce qu’il est trop facile de voir l’argent d’un homme qui a travaillé toute sa vie échapper d’un claquement de doigts à sa famille. »
Cette question restée en suspend inquiète beaucoup certaines personnes qui manoeuvre donc, avec l’aide de personnalités influentes du PDCI, pour faire durer le pouvoir du camp Ouattara.
Le mauvais 1/4h vécu par Daniel Kanblan Duncan au BP
Daniel Kanblan Duncan, Vice-Président du PDCI, inconditionnel d’Alassane Ouattara, a justement essayé de nuancer la position de Bédié sur l’obligation de l’alternance avant le parti unifié. Il a confié à sa prise de parole au bureau politique d’hier : «…je ne suis pas informé que l’alternance lors de la prochaine présidentielle devait avoir lieu avant la mise en place du parti unifié. »
Ce seul propos de Duncan a suffi à provoquer l’ire de ses camarades rassemblés dans une salle survoltée du siège du PDCI RDA. Le Vice-Président de la Côte d’Ivoire s’est fait copieusement huer par les militants du PDCI qui n’ont été calmés que par l’intervention des forces de l’ordre.
C’est désormais clair, le PDCI n’avancera pas vers le parti unifié sans la passe de gré ou de force qu’il attend du RDR. Et en réalité, il ne devrait pas y avoir de parti unifié incluant le PDCI puisque l’immense majorité des militants de cette formation politique refuse l’idée.
Si un cadre de ce parti venait à accéder au pouvoir, le retour au PDCI de cadres du RDR qui le souhaitent devrait être le seul rapprochement possible. Perdre une identité construite en 72 ans pour faire plaisir à la personne du président Alassane Ouattara ne devrait pas être un rêve réalisable pour plusieurs personnalités du PDCI RDA.