L’acquittement vendredi en appel de l’ancien vice-président congolais, Jean-Pierre Bemba, condamné en juin 2016 par la chambre de première instance de la Cour pénale internationale (CPI) à 18 ans de prison pour « crimes de guerre et crimes contre l’humanité » commis entre 2002 et 2003 en Centrafrique, a suscité des scènes de joie chez ses partisans, mais pas seulement.
Jean-Pierre Bemba acquitté, une lueur pour les pro-Gbagbo
En Côte d’Ivoire, pays qui n’a pas de relation géopolitique direct avec la République démocratique du Congo, une frange de la population a suivi de près le procès de M. Bemba, ayant, elle aussi, deux des siens à la CPI, à savoir l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo et son dernier ministre de la Jeunesse Charles Blé Goudé, jugés conjointement pour les mêmes faits reprochés au Congolais.
Apprendre la nouvelle de l’acquittement de l’ancien riche homme d’affaires reconverti en chef de guerre a donc naturellement suscité plus qu’une lueur, une flamme d’espoir chez les pro-Gbagbo (partisans de l’ex-chef d’Etat) qui lorgnaient déjà depuis quelques semaines l’éventualité d’un abandon des charges contre ces deux Ivoiriens détenus depuis 2011 pour l’un et 2014 pour l‘autre.
« Jean-Pierre Bemba libéré hier, Gbagbo arrive ! », cette Une pour le moins euphorique de Le quotidien d’Abidjan, un journal proche du parti de l’ancien parti au pouvoir, le Front populaire ivoirien (FPI), traduit cet enthousiasme largement perceptible sur les réseaux sociaux.
Depuis vendredi, en effet, la nouvelle s’est répandue à la vitesse de la lumière sur Twitter et Facebook, avec de nombreuses publications de pro-Gbagbo, aussi jubilatoires les unes que les autres.
« Jean-Pierre Bemba acquitté, Gbagbo et Blé sont les suivants », écrit Hervé Djédjé sur Facebook, rejoint par d’autres internautes ivoiriens dont Enawli So selon qui « l’espoir est permis » pour l’ex-président.
Le journaliste pro-Gbagbo, Herman Aboa, en exil en occident, s’est lui aussi prononcé sur le sujet dans une vidéo diffusée sur la toile, estimant que ce verdict est un bon « signal » pour les partisans de l’ancien pouvoir: « on a bon espoir, Laurent Gbagbo et Blé Goudé n’ont rien fait ».
« Si la CPI arrive aujourd’hui à acquitter Jean-Pierre Bemba qui lui a fait le maquis, c’est-à-dire qui a été chef rebelle », alors le « cas » des deux Ivoiriens « qui sont des partisans de la non-violence, qui n’avaient pas de gourdins ou de machettes, ni fusils d’assaut en main », est « intéressant dans la suite », poursuit M. Aboa qui qualifie de « bâclé » le travail du bureau du procureur dans les deux procès.
Mais au-delà de l’aspect juridique, le journaliste voit surtout le caractère « politique » de l’affaire Bemba, en mettant en relief les relations supposées tendues entre l’actuel président congolais Joseph Kabila et « la France ».
L’acquittement de Jean-Pierre Bemba, décrit comme « le pire ennemi » de M. Kabila, « arrive à un moment où (..) la relation » du chef d’Etat avec « les pays occidentaux (…) est morose », relève Hermann Aboa qui soutient, à l’instar de nombreux autres pro-Gbagbo, que « c’est l’aspect politique qui va faire sortir » les deux Ivoiriens de la CPI.
Un aspect politique qui par ailleurs « tient compte de toute l’ambiance » qui prévaut en Côte d’Ivoire. Il a à cet effet invité l’un des camps du FPI, opposé à toutes les opérations de recensement et d’enrôlement sur la liste électorale depuis la chute de l’ex-chef d’Etat en 2011, à revoir sa copie concernant la nouvelle opération de révision fixée du 18 au 24 juin.
« Depuis (près de) 10 ans on essaie la même chose mais ça ne marche pas. (…) Organisons-nous », conclut-il.
Les arguments des avocats de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, relatifs à une « requête de non-lieu » qu’ils ont introduite, sont attendus à la CPI « au plus tard le 20 juillet ».