Les correspondants de Jeune Afrique donnant des informations sur la Côte d’Ivoire ne sont pas du tout contents de leur employeur. À en croire ces derniers, le magazine tronque les articles qu’ils lui soumettent en faveur du pouvoir en place, apprend-on d’Alerte-info.
Jeune Afrique accusé par ses correspondants d’être un journal pro-Ouattara
Les informations sur la Côte d’Ivoire sont-elles effectivement retranscrites par Jeune Afrique tel que traitées par ses correspondants sur place à Abidjan ? Cette interrogation est d’autant plus opportune que la Société des journalistes (SDJ) de ce tabloïd est très remontée contre la rédaction.
Dans un communiqué a nous parvenu, cette association a fait part de « son inquiétude face aux interventions répétées et injustifiées de la direction de la publication sur les articles traitant de la Côte d’Ivoire ».
La goutte d’eau qui a fait déborder le vase et suscité l’indignation des journalistes de JA est relative à la récente interview accordée par le reggaeman ivoirien Tiken Jah Fakoly au magazine panafricain. Alors que le journaliste avait intitulé son article « Tiken Jah Fakoly : » le président Ouattara a rompu le contrat qui nous liait » », grande fut sa surprise de constater que la direction de publication a changé son titre en « Tiken Jah Fakoly : » je suis le porte-voix du petit peuple » ».
Cette manière de « tronquer, retoucher, aseptiser, voire déprogrammer » les titres lorsqu’ils « traitent du pouvoir en place en Côte d’Ivoire » est dénoncée par les journalistes qui sont pourtant sur place, et donc susceptibles de donner une information crédible et de première main sur le pays. Changer les choses « sans concertation avec les auteurs » est donc une attitude que fustige cette association de journalistes.
Mais à quelle fin Jeune Afrique change-t-il les titres ou les articles de ses correspondants ? Serait-ce pour rester dans sa ligne éditoriale de laquelle ses journalistes seraient en train de s’éloigner ? Ou plutôt le journal panafricain a-t-il décidé de prendre fait et cause pour le régime d’Alassane Ouattara ? Quoi qu’il en soit, les correspondants d’Abidjan ne sont pas contents de cette « falsification » de leur articles.
Notons que le journaliste franco-camerounais Théophile Kouamouo avait démissionné du journal Le Monde, dont il était le correspondant en Côte d’Ivoire au plus fort de la crise en 2002. Dans sa lettre de démission, le journaliste déclarait : « La première raison de cette décision (sa démission, NDLR) est l’article paru en ce jour dans “Le Monde”, intitulé “ Côte d’Ivoire : laborieuses tractations pour une trêve”, signé de Jean-Pierre Tuquoi et de moi. Je ne me reconnais dans aucune phrase de cet article. J’ai en effet envoyé un papier, synthèse faite avec les informations que j’avais glanées et celles que m’avait envoyées Jean-Pierre, tôt le matin, au journal, en le dictant aux sténos. Il n’a rien à voir avec ce qui a été publié. C’est un pur scandale journalistique, et c’est une honte pour un si grand journal. Je comprends bien que l’article que j’ai envoyé ait pu être incomplet, ou tout simplement mauvais – je n’ai que quatre petites années d’expérience professionnelle – mais il aurait pu être passé à la trappe, et remplacé par un article meilleur que son auteur aurait dû avoir le courage de signer. D’autant plus que cet article prenait des tournures éditorialisantes dont je n’approuve pas, personnellement, les arguments. Je le vis comme un viol intellectuel, en toute humilité, bien sûr. »