À un peu plus de deux ans de la fin de son mandat, le bilan d’Alassane Ouattara est régulièrement passé au scanner par bon nombre d’Ivoiriens. Mais là où les regards se focalisent le plus, c’est l’éventualité d’un troisième mandat pour le président ivoirien.
Alassane Ouattara, l’homme des grandes réalisations
L’objectif d’Alassane Ouattara, dès son accession à la Magistrature suprême en avril 2011, était de faire de la Côte d’Ivoire un pays émergent à l’horizon 2020. A cet effet, le chef de l’Etat ivoirien avait lancé son Programme présidentiel d’urgence (PPU) dans l’optique de réaliser de grands projets de développement et la construction de plusieurs infrastructures économiques à travers le pays.
Des routes, des ponts, des logements sociaux, des centres de santé, des écoles et universités, l’électrification et l’hydraulique villageoises… sont autant de réalisations qui ont permis à la Côte d’Ivoire d’avoir fière allure après près d’une décennie de crise, et surtout d’une crise postélectorale très meurtrière et très destructrice.
Le pic de toutes ces réalisations est, à n’en point douter, la construction du 3e pont dit « pont Henri Konan Bédié » reliant la commune de Marcory à celle de Cocody (Riviera). Lors de l’inauguration de cet joyau architectural qui a coûté 124 435 000 000 FCFA HT, l’ex-président Bédié, dont le nom a été attribué à ce pont, a déclaré à l’endroit du président Alassane Ouattara pour ce bel hommage à lui rendu : « Ce pont vaut à lui seul un deuxième mandat. »
Alassane Ouattara et la 3e République
Joingnant l’acte à la parole, Henri Konan Bédié a lancé, depuis Daoukro, un appel aux militants et sympathisants de son parti en vue de soutenir la réélection d’Alassane Ouattara. Ce qui fut effectivement fait en octobre 2015 dès le premier tour de l’élection présidentielle avec 83,66 % des suffrages.
Après cette brillante réélection, le président Ouattara a entrepris de doter la Côte d’Ivoire d’une nouvelle Constitution. Cette loi fondamentale fut adoptée par référendum en octobre 2016 avec 93,42% des suffrages exprimés. Ainsi naquit la Troisième République.
Cependant, en vertu de l’Article 55 de la nouvelle Constitution, le verrou constitutionnel de la limitation de l’âge à 75 ans a été sauté. Aussi, toute personne âgé d’au moins 35 ans peut donc se porter candidat s’il remplit les autres conditions d’éligibilité.
Alassane Ouattara et la tentation d’un 3e mandat
Selon un principe fondamental du droit, » la loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a pas d’effet retroactif « . Ainsi, suivant une interpretation de cet Article par certains juristes, le président Ouattara pourrait rempiler pour un troisième mandat en 2020
Cependant, le chef d’Etat ivoirien avait indiqué, en janvier 2017, qu’il était temps pour lui de prendre sa retraite politique définitive après avoir occupé de hautes fonctions pendant près de 50 ans. Mais sous le reproche insistant de certains cadres du Rassemblement des républicains (RDR, parti au pouvoir), le président Ouattara a commencé à émettre des doutes sur l’éventualité de sa candidature en 2020.
Lors d’une interview en marge du 5e Sommet Union africaine – Union européenne tenu fin novembre 2017 à Abidjan, le chef de l’Exécutif ivoirien a donné rendez-vous aux Ivoiriens et autres observateurs en 2020 pour dire si oui ou non il sera candidat à sa propre succession à la prochaine présidentielle.
Cette question est d’autant plus cruciale que la présidentielle de 2020 cristallise d’ores et déjà les attentions sur les bords de la lagune Ebrié. Les potentiels candidats ne cessent de s’activer dans leurs états-majors respectifs pour se mettre en pôle position.
« Les Gbagbo ou rien », la tendance radicale du Front populaire ivoirien (FPI) conduite par Aboudramane Sangaré, qui avait jusque-là boycotté les élections, a annoncé son retour dans le jeu politique.
Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Henri Konan Bédié insiste depuis pour faire de l’un de ses militants actifs le candidat du RHDP, la coalition au pouvoir. Mais en face, l’allié, le Rassemblement des républicains (RDR), trouve qu’il est trop tôt pour parler de la succession du président Ouattara. Guillaume Soro et sa GSK Team s’activent également de leur côté, lorgnant le fauteuil présidentiel. Mais le président Ouattara entend garder la main jusqu’à l’organisation de ces joutes électorales.
Quoi qu’il en soit, la gouvernance d’Alassane Ouattara connait des points positifs comme des points négatifs. Sous sa houlette, le pays a renoué avec les bailleurs de fonds et toute la communauté internationale. Le taux de croissance a connu un bond spectaculaire, avoisinant les deux chiffres. Plusieurs projets de développement ont été réalisés, le pays est redevenu fréquentable.
Mais à rebours, la population ivoirienne vit encore dans la pauvreté et la peur du lendemain. Le climat sociopolitique n’est pas du tout reluisant. Le système judiciaire semble formaté pour ne s’en prendre qu’à un seul camp, celui des pro-Gbagbo. L’ancien président Laurent Gbagbo, son épouse Simone Gbagbo, Charles Blé Goudé et plusieurs autres cadres de l’ancien parti au pouvoir croupissent toujours en prison. La réconciliation nationale est encore en friche, et les populations ivoiriennes ne font que se regarder en chiens de faïence. Le chômage des jeunes est encore criant. L’insécurité est galopante avec le phénomène des enfants microbes. Beaucoup d’autres chantiers sont encore à bâtir.
Eu égard à tous ces constats, peut-on valablement dire que la Côte d’Ivoire pourra être émergente à l’horizon 2020 tel que promis par le président Ouattara ? Et si l’intéressé demandait un autre mandat pour parachever son travail ? Quelle sera la réaction des Ivoiriens en pareille occurrence ? Telles sont, entre autres, les interrogations qui fusent çà et là quant à l’avenir politique du président Ouattara. Jamais deux sans trois, dit-on. Mais bien malin qui pourra dire maintenant si Ouattara succombera à cette tentation, d’autant plus que la prochaine présidentielle est prévue dans 32 mois exactement.